LE SUICIDE
J’étais souvent
désespéré et voulais me pendre, mon compagnon de cellule me disait de ne pas le
faire, de ne pas être lâche. J’ai fait le mien ce conseil et considère comme un
miracle d’avoir survécu.
Il est naturel
qu’avec un tel régime, il vienne dans l’esprit des hommes qu’une mort rapide
soit une délivrance. C’est pourquoi les cas de suicide furent si nombreux.
Afin de mettre fin à
leurs souffrances, de nombreux détenus se sont donné la mort en se précipitant,
en groupe, dans la carrière profonde de 120 à 200 mètres.
Quelques-uns
devenaient fous en apprenant que leurs enfants avaient été brûlés. Ils se
jetaient sur les fils barbelés où passait le courant électrique.
La plupart des
suicides consistaient à se jeter contre les fils de haute tension de la
barrière intérieure.
Un jour, alors qu’une
internée s’était jetée dans les barbelés électrifiés pour échapper à une femme
S.S. qui la rouait de coups, cette dernière fit défiler les autres internés
devant le cadavre en demandant : « A qui le tour ? »
Une moyenne de 50
femmes mourait par jour, soit de privation, soit qu’elles se suicidaient en se
jetant résolument dans les fils barbelés électrifiés qui entouraient le camp.
EXTERMINATION
Après la visite
d’Himmler, qui eut lieu de 17 juillet 1942 (que j’ai vu moi-même au camp
d’Auschwitz), l’application du gaz pour l’extermination massive fut décidée.
A cet effet, des
baraquements à gaz spéciaux avaient été construits sous la forme de vastes
halls étanches à l’air, munis de volets de ventilation qu’on pouvait ouvrier ou
fermer selon les besoins. Ils étaient installés intérieurement de façon à
donner l’impression d’établissements de bain, afin d’abuser les victimes.
Avant la construction
des chambres à gaz fixes, il existait des chambres à gaz mobiles, composée par
des fourgons fermés dans lesquels on gazait 10 à 12 personnes. On y
introduisait une boîte de « Zyklon » et les détenus étaient asphyxiés
en 10 ou 12 minutes.
Les chambres à gaz
étaient constituées par deux pièces : une dans laquelle les détenus et une
seconde dans laquelle ils étaient gazés.
Dans la salle
d’attente, les arrivants destinés à être gazés se déshabillaient. Cette salle
est l’image de l’hypocrisie et du mensonge hitlérien. Elle était luxueusement
aménagée : porte-manteaux le long des murs, surmontés de plaques en émail
numérotées avec l’inscription suivante dans les différentes langues :
« Si vous voulez retrouver vos effets à la sortie, vous êtes invités à retenir
votre numéro ».
Des affiches étaient
apposées avec le mot « Désinfection » en plusieurs langues, puis une
autre affiche « bains ».
En se déshabillant
dans la première pièce, les détenus rangeaient soigneusement leurs vêtements en
paquet afin de les retrouver à la sortie. une affiche leur indiquait également qu'ils avaient à prendre
une serviette et du savon ; on les introduisait ensuite dans la chambre à
gaz.
Une grande pièce
faisait suite à la première, elle avait environ 10 mètres de long, sur 6 ou 7
mètres de large, et 5 ou 6 mètres de hauteur. Elle était traversée dans sa
partie supérieure, dans le sens de la longueur et dans le milieu, par deux
espèces de cheminées ajourées dont l’ouverture était extérieure et par laquelle
arrivait les gaz qui se répandaient dans la pièce par les jours des tuyaux.
Le gaz
« Zyklon » a été choisi par les Allemands après des expériences
faites à Lublin et après un essai fait à Auschwitz en octobre 1941. Ils ont
enfermé pour cela 800 prisonniers de guerre russes dans la cave du block II et
les ont gazés le 25 octobre 1941. Deux jours plus tard, 600 Polonais, parmi
lesquels se trouvait un très grand nombre d’officiers supérieurs, furent gazés
au même endroit. Ensuite, de plus petites expériences furent faites dans le
hall même du crématoire n°1 sur des quantités variant entre 50 et 100
personnes.
C’est une voiture
ambulante marquée de la croix rouge qui transportait le gaz dans des bouteilles
de fer.
Pour l’inauguration
du premier four crématoire, en mars 1943, des visiteurs importants vinrent de
Berlin. Le « programme » comportait la mise à mort par le gaz et
l’incinération de 8 000 Juifs de Cracovie. Les visiteurs, officiers,
civils, furent extrêmement satisfaits des résultats et le « voyant »
spécial qui avait été adapté dans la porte de la chambre à gaz était
constamment utilisé. Les visiteurs se répandirent en éloges sur cette nouvelle
installation.
Le système
d’extermination par le gaz était surtout appliqué aux déportés raciaux (Juifs
et Tziganes) et à quelques détenus politiques.
Dans ces chambres
passaient, soit des convois entiers arrivés de la gare et désignés à l’avance
pour l’extermination (surtout des convois juifs), soit des inaptes au travail
du camp, les vieillards, les infirmes, les gens épuisés, qui ne pouvaient plus
travailler ; ces derniers étaient exploités jusqu’à la dernière goutte de
leur sang, puis envoyés à la chambre à gaz.
Étaient également
exécutés d’autres détenus faisant partie d’autres convois, marqués d’un signe
particulier de la Gestapo.
La méthode principale
d’extermination des malades et des épuisés était, avant cette époque, la
suivante : une chambre exiguë était annexée au crématoire, son entrée
était si basse et si étroite que les prisonniers qui devaient passer par cette
porte étaient obligés de courber la tête. Deux S.S. se tenaient des deux côtés
de cette ouverture, tenant chacun une grosse barre de fer. Quand l’homme se
baissait, tâchant de passer par la porte et la franchissait le dos courbé, les
S.S. lui assénaient un coup de barre sur les vertèbres cervicales. L’un d’eux
ratait-il son coup, l’autre était là. Si l’homme ne mourait pas sur le coup
mais tombait sans connaissance, cela n’avait aucune importance. Il était
considéré comme mort et fourré dans le foyer du four crématoire.
Les Allemands
mettaient à mort aussi dans une automobile spécialement aménagée, dite
« Gaswagen ».
SÉLECTION AU CAMP
Tous les 15 jours le
médecin S.S. venait faire ce que nous appelions une sélection. Les malades
étaient mis nus par les chefs de salle polonais ; ils devaient se tenir
debout quel que fût leur état de santé, et ils attendaient des heures à
l’arrivée du médecin qui regardait à peine les malades, et enlevait certaines
fiches. Deux jours après, les malades dont les fiches avaient été enlevées,
partaient vers une destination qu’à ce moment nous ignorions ; le
médecin-chef nous demandait de compléter d’autres fiches, en indiquant une
cause de mort quelconque avec une date : Monsieur X est mort le …. de …….
la raison du décès au choix de celui qui remplissait la fiche.
A l’hôpital, des
sélections étaient faites toutes les semaines ou toutes les deux semaines.
Tous ceux qui étaient
atteints ou même soupçonnés de typhus devaient mourir.
Le 16 août 1942, une
sélection de 863 personnes fut faite parmi les malades atteintes de typhus.
En avril 1944, une
autre sélection fit 6 000 victimes parmi les femmes juives atteintes de
gale.
Nombreux sont les
jeunes gens et malades qui, voulant rester plus longtemps à l’hôpital de façon
à se rétablir complètement, sont morts ainsi.
Un détenu était entré
à l’infirmerie pour un furoncle, donc une maladie bénigne. Il était encore à
l’hôpital quand la commission est passée et fut amenée à la chambre à gaz. Lui,
croyait qu’il partait pour un autre camp et m’a fait la réflexion
suivante : « Docteur, nous nous reverrons à Paris ».
Un Hollandais passa
devant le docteur et sur la fiche il était marqué qu’il devait normalement
rester encore 5 jours et reprendre le travail. Le docteur dit que 5 jours
n’étaient pas assez pour un bon rétablissement mais qu’il fallait au moins 15
jours pour pouvoir reprendre son travail. Après avoir discuté un certain temps,
il me donna l’ordre de mettre 15 jours. Le lendemain, j’appris que tous ceux
qui devaient rester plus de 15 jours partaient tous à la chambre à gaz.
Parmi les malades, on
prenait celles qui avaient de la température.
Les malades
israélites et les malades graves aryens n’étaient pas soignés mais dirigés sur
la chambre à gaz.
A Ravensbrück, les
premières femmes à subir le sort de la chambre à gaz furent les femmes âgées et
malades. L’opération eut lieu un matin. Le docteur passa, cocha une croix en
face de centaines de malades et se retira. Quelques jours après, un camion
noir, bâché conduit par les S.S. vint chercher les femmes ainsi désignées. Sans
les laisser se vêtir, il les emmena vers la chambre fatale. Ce fait se
renouvela ainsi de nombreuses fois et la terreur commença à régner dans le
camp.
Ceux qui présentaient
un vilain teint ou se trouvaient dans de mauvaises conditions physiques
étaient, selon l’humeur du médecin du camp, destinés à passer au gaz. On les
conduisait tout simplement à l’infirmerie d’où 40 à 50% étaient
« évacués ». Un « épouillage » qui fit un nombre
particulièrement élevé de victimes eut lieu en juillet 1942. Au cours de ce
« nettoyage », les faibles, les malades du typhus ou ceux qui, en
ayant été atteints se trouvaient encore en période de quarantaine, y furent
tous envoyés sans exception. On considérait cette méthode comme la plus radicale.
Les
« Musulmans » sont ceux d’entre nous qui arrivaient à un degré
d’amaigrissement tel que leur travail ne pouvait raisonnablement être compté
comme productif.
Pour les hommes ou
pour les petits garçons, ces sélection avaient lieu dans les blocks.
Les sélections de
femmes s’effectuaient souvent (sauf pour l’hôpital) dehors, parce que c’était
beaucoup plus humiliant pour les dames ou les jeunes filles d’être exposées
toutes nues pendant de longues heures à la vue de tous, même des hommes qui
travaillaient dans les camps de femmes.
A l’annonce de ces
sélections, l’ordre était donné de rassembler toutes les internées,
complètement nues, entre les blocks. Une fois le rassemblement effectué, les
malheureuses partaient en colonnes par 4, sous la direction de la Blockowa, sur
la grande place située près des cuisines. Là, commençaient les opérations de la
sélection devant le docteur-chef qui, parfois, était accompagné du
Lagerkommandant, mais souvent était seul. Les malheureuses femmes, grelottant
de froid et de peur, défilaient à 6 pas devant lui. A ce passage, le bourreau
décidait de leur vie, le bras tendu, le poing fermé avec le pouce ; il
tournait le pouce à droite ou à gauche. Celles qui étaient désignées pour être
à gauche étaient celles destinées au gaz et au crématoire, celles de droite
pouvaient rentrer dans leurs blocks respectifs.
On passait également
dans les blocks de celles qui travaillaient en dehors des heures de travail et
on faisait défiler les détenues ou alors c’était le matin à l’appel.
Les sélections
étaient faites sans aucune considération d’âge et de constitution ;
robustes ou faibles, jeunes ou vieilles, jolies ou aux visages ridés par les
soucis, les peins ou l’appréhension, on ne faisait aucune distinction.
On choisissait suivant
l’âge, la couleur des cheveux, les jambes enflées, si elles étaient capables ou
non de courir.
Un malheureux qui ne
plaisait pas, soit parce que ses vêtements étaient sales ou pour toutes autres
raisons de ce genre, était condamné à l’extermination, même s’il était bien
constitué et en parfaite santé.
Lorsqu’il n’y avait
plus rien d’autre à gazer, on choisissait parmi les femmes juives du camp.
Dans cette
administration modèle, c’était le chiffre, le chiffre seul qui comptait. C’est
ainsi qu’il arrivait qu’un malade, désigné aujourd’hui pour le gazage du
lendemain, décéda à l’hôpital dans les vingt-quatre heures qui le séparaient de
l’exécution : les statistiques risquaient d’en être compromises, aussi son
corps était-il néanmoins envoyé à la chambre à gaz, en sorte qu’il put figurer
à l’entrée du crématoire où s’effectuait un dernier pointage.
J’ai essayé de cacher
un certain nombre de femmes en les faisant sauter par la fenêtre, en changeant
leur numéro, en les cachant sous des paillasses et en faussant leurs feuilles
de température.
J’ai assisté à de
terribles scènes de désespoir. Que de cris, de pleurs, de lamentations, de
tentatives de suicide, de toutes sortes de prières !
Jamais je ne pourrai
oublier ces malheureux, assistant avec effroi à leur arrêt de mort.
Les jours de fêtes
juives, le jour de l’an juif et le jour du pardon juif, donnaient l’occasion
des sélections de Juifs hongrois qui étaient envoyés au crématoire.
2 000 personnes
croyaient partir en Amérique et sont mortes.
Au lieu d’être
emmenées en Amérique on les à conduites au gazage.
Il y avait également
un autre moyen de se débarrasser des détenus (de la quarantaine) ; il
consistait à demander ceux d’entre eux qui, se sentant trop faibles pour
effectuer un travail dur, désiraient aller au kommando de la
« basse-cour ». Beaucoup naturellement se faisaient inscrire, mais au
lieu de les envoyer dans le kommando en question, ils étaient dirigés sur les
chambres à gaz.
On demandait par
exemple aux vieilles femmes un peu simples si elles se sentaient malades ou
fatiguées parce que, dans ce cas, on leur donnerait du lait. Si elles
répondaient oui, on écrivait leur numéro sur la liste noire et les pauvres
sottes allaient à la mort.
En moyenne, on
faisait une sélection de 1 000 personnes par semaine. Lorsque le block
était surpeuplé, l’évacuation vers les chambres à gaz était accélérée.
En pendant qu’il
décidait de la vie ou de la mort par un signe de la main de centaines ou de
milliers de personnes, le docteur sifflait ou chantonnait des airs d’opéra.
Pour sélectionner les
enfants, ils les mesuraient, et les enfants étaient envoyés ou non, selon leur
taille.
Le docteur, au moyen
d’un mètre, décidait : ceux qui dépassaient le mètre étaient sauvés et les
autres partaient à la chambre à gaz.
Le médecin du camp,
Untersturmführer S.S., m’a raconté, le soir du 21 octobre 1943 que, ce jour-là,
dans la chambre à gaz, on a asphyxié au moyen de la préparation de
« Zyklon », 300 enfants âgés de 3 à 10 ans.
Il y avait même un
kommando de jeunes filles qui étaient chargées de déshabiller les enfants
dirigés aux gaz. On appelait ce kommando les « Effets Blancs ». Il
est inutile de dire leur moral. Si elles résistaient, c’est elles-mêmes qu’on
envoyait au gaz … Par la terreur, on forçait les gens à brûler les leurs.
L’extermination des
enfants tziganes commença au mois d’avril 1943.
Un jour, le
médecin-chef du camp est venu demander au commandant du camp :
« Combien d’enfants avez-vous en charge ? » « 4 000 » Lui fut-il répondu.
« Vous en avez 2 000 de trop. Envoyez-les aux bains ». Le
lendemain matin, on en gazait la moitié.
Le mode d’envoi sur
le lieu d’exécution était souvent différent ; il s’exécutait aux caprices
du bourreau. S’il décidait que ces malheureuses devaient être transportées
immédiatement, des camions-autos arrivaient, où elles devaient prendre place,
tassées l’une contre l’autre, debout, à 80 et même 100 par camion. Si l’on
était à la tombée de la nuit, la colonne se formait et elles étaient dirigées à
pied vers le crématoire, encadrées par de multiples S.S. prêts au carnage à la
moindre tentative de fuite ou si elles n’étaient pas bien en file dans les
files extérieures, elles étaient immédiatement abattues. Elles partaient
parfois en colonne de 2 ou 3 000 et plus.
Quelquefois, lorsque
le jour de l’exécution était arrivé, on fermait tous les blocks (cela se
passait le soir), on assemblait tous les malades et ils attendaient l’arrivée
des camions sur lesquels ils étaient chargés, puis dirigés sur le crématoire où
ils trouvaient les chambres à gaz situées à environ 400 mètres de l’hôpital.
En 1942, les
commissions procédaient tout autrement au moment où les détenus venaient de
passer la visite, une voiture attendait, puis ils étaient emmenés au four
crématoire.
On faisait monter les sélectionnées dans les
camions, mélangeant les mortes avec les bien portantes.
Les S.S., mitraillette en main, faisaient
monter les gens. Les Juifs furent très courageux, ils insultaient les S.S. et
leur prédisaient une mort pareille à la leur : « Vos femmes et vos
enfants crèveront comme nous ».
J’ai été témoin des départs pour les chambres
à gaz des femmes que se savaient condamnées et qui étaient entassées dans les
camions, vêtues d’une chemise avec leur numéro inscrit sur le bras.
La façon dont ceux qui étaient condamnés au
gaz étaient menés à leur destin était exceptionnellement brutale et inhumaine.
Les cas chirurgicaux graves portant encore leurs pansements ainsi qu’une
procession de malades épuisés et terriblement émaciés, et même les convalescents
en voie de guérison, étaient chargés sur des camions. Ils étaient nus et le
spectacle était absolument horrible. Les camions s’arrêtaient à l’entrée du
quartier et les malheureuses victimes y étaient simplement jetées ou empilées
par les auxiliaires. Je fus témoin souvent de ces expéditions tragiques.
Une centaine d’individus étaient comprimés
dans un petit camion. Tous savaient exactement le sort qui les attendait. Une
grande majorité restait absolument apathique, tandis que les autres, surtout
les malades de l’infirmerie avec leurs blessures béantes qui saignaient ou
leurs plaies horribles, se débattaient avec frénésie. Tout autour des camions,
les S.S. s’agitaient comme des fous, repoussant la foule hurlante qui essayait
de se pencher. C’était toujours une expérience terrible que d’avoir à tirer nos
amis jusqu’au camion. Ils étaient calmes pour la plupart et nous disaient adieu
mais ils n’oubliaient pas de nous rappeler : « N’oubliez pas de nous
venger ». Dans de telles conditions, le cœur des hommes se change en
pierre. Imaginez-vous un prisonnier tuant son frère dans l’une des salles des
malades pour lui éviter de subir l’horrible voyage en camion Je connais le nom
et le matricule de ces deux prisonniers.
Un transport attendait dehors que le
transport précédent soit exterminé.
Les camions partaient et revenaient à une
vitesse extraordinaire ; ils mettaient cinq à six minutes pour faire
l’aller et le retour.
Un dimanche, dans le « Revier » des
tuberculeuses, le camion fit six voyages à craquer, emmenant des femmes à peine
atteintes. Le samedi de Pâques, 7 camions de femmes furent conduits à la
chambre à gaz. Parmi elles, un témoin a cité la Supérieure Générale d’un refuge
lyonnais du redressement de l’enfance « Mère Élisabeth ».
On n’entendait plus parler de ces femmes et,
quelques jours après, elles étaient portées « décédées au camp de
convalescence ». C’était le terme consacré.
Et pendant que des transports d’innocents se
dirigeaient vers le four, de l’autre côté de l’allée, l’orchestre jouait de
grands airs.
En général, on prenait 80% des malades : ceux-ci savaient
qu’ils allaient mourir mais on les laissait encore quarante-huit heures dans le
block.
90 sur 100, un jour ont été pris dans la
baraque où je soignais les malades. J’ai pleuré comme un enfant.
On sélectionnait environ 2 000 personnes
à la fois, prises parmi les plus faibles. Ces personnes étaient gazées puis
brûlées.
La plus importante sélection eut lieu le 1er
janvier 1944. En effet, 85% de l’effectif du camp, qui était constamment
renouvelé et brûlé.
Sur 5 à 6 000 femmes envoyées dans le
camp, il en est revenu 2 à 300.
Sur 10 000 Grecs, 1 000 restèrent
vivants et ils furent envoyés par la suite avec 500 Juifs pour accomplir des
travaux de fortification à Varsovie. Quelques semaines plus tard, plusieurs
centaines d’entre eux revinrent dans un état pitoyable et ils furent
immédiatement mis à mort par le gaz. Le reste mourut probablement à Varsovie.
Deux transports de Sokols tchèques, arrivés au
camp en mars 1942, ont été passés dans les chambres à gaz mobiles et brûlés
ensuite dans les fossés.
Au cours de l’été 1942, 10 000
prisonniers ont été amenés dans le camp. Sous prétexte qu’ils étaient Juifs ou
commissaires politiques, ils ont tous été exécutés en un mois.
Lorsque les Hongrois (en majeure partie des tziganes)
sont arrivés, on les a exterminés jour et nuit pendant deux mois. Ils étaient
600 000 ou 700 000. Les 5 fours ne suffisaient pas. On a creusé des
fosses.
A ce camp, on recevait de 3 à 4 000
romanichels par jour, des métis, pour la plupart des femmes dont le mari était
soldat au front et aussi des enfants d’une douzaine d’années ayant un père au
front et une mère travaillant en usine, tous de la tribu des Gitans, qui
vivaient en territoire allemand.
Le 1er août 1944, les quelques
milliers de survivants d’un groupe de 20 000 tziganes, déjà décimés par la
maladie et par des traitements particulièrement sauvages, sont exterminés à
leur tour.
Les tziganes furent en fin de compte
exterminés à 100%
Voici comment on procédait : on en
emmenait une partie à Auschwitz. Dans l’intervalle, on faisait passer à la
chambre à gaz ceux qui étaient restés à Birkenau puis on faisait revenir ceux
qui avaient été envoyés à Auschwitz pour les gazer à leur tour.
La proportion des gens
« sélectionnés » était telle qu’on mentionnait seulement les numéros
matriculés de ceux qui restaient et non ceux des victimes qui étaient trop
nombreuses.
La nuit on voyait sortir des cheminées des
fours crématoires des flammes de 10 mètres de haut.
A suivre - Sélection à l'arrivée-
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