Nous pouvons commencer un deuil digne de ce nom pour le respect de nos anciens victimes du Samudaripen
Pour plus de compréhension lire le discours de la Présidence publié ci-dessous
Discours du
Président de la République à l'occasion du 70ème anniversaire de la rafle du
Vel d’Hiv
Publié le 22
Juillet 2012
Rubrique :
Nation, institutions et réforme de l'État
Monsieur le
Premier ministre,
Monsieur le
Président de l'Assemblée nationale,
Messieurs
les ambassadeurs,
Monsieur le
maire de Paris,
Monsieur le
président du Conseil représentatif des institutions juives de France,
Monsieur le
grand rabbin,
Mesdames et
Messieurs les représentants des cultes,
Mesdames,
Messieurs,
Nous sommes
rassemblés ce matin pour rappeler l'horreur d'un crime, exprimer le chagrin de
ceux qui ont vécu la tragédie, évoquer les heures noires de la collaboration,
notre histoire, et donc la responsabilité de la France.
Nous sommes
ici aussi pour transmettre la mémoire de la Shoah, dont les rafles étaient la
première étape, pour mener le combat contre l'oubli, pour témoigner auprès des
nouvelles générations de ce que la barbarie est capable de faire et de ce que
l'humanité peut elle-même contenir de ressources pour la vaincre.
Il y a 70
ans, le 16 juillet 1942, au petit matin, 13.152 hommes, femmes et enfants
étaient arrêtés à leur domicile. Les couples sans enfants et les célibataires
furent internés à Drancy, là où s'élèvera à l'automne le musée créé par le
Mémorial de la Shoah.
Les autres
furent conduits au Vélodrome d'Hiver. Entassés pendant cinq jours, dans des
conditions inhumaines, ils furent de là transférés vers les camps de Pithiviers
et de Beaune-la-Rolande.
Une
directive claire avait été donnée par l'administration de Vichy : « Les enfants
ne doivent pas partir dans les mêmes convois que les parents ». C'est donc
après des séparations déchirantes que les parents d'un côté, les enfants de
l'autre, partirent vers Auschwitz-Birkenau où les déportés de Drancy les
avaient précédés de quelques jours.
Ils y furent
assassinés. Pour la seule raison qu'ils étaient juifs.
Ce crime
s'est déroulé ici, dans notre capitale, dans nos rues, dans nos cours
d'immeuble, dans nos cages d'escalier, sous nos préaux d'école.
Il allait
ouvrir la voie à d'autres rafles, à Marseille et dans toute la France,
c'est-à-dire des deux côtés de la ligne de démarcation. Il y eut aussi d'autres
déportations, notamment celle de Tsiganes.
L'infamie du
Vel d'Hiv s'inscrivait dans une entreprise qui n'a pas eu de précédent et qui
ne peut être comparée à rien: la Shoah, la tentative d'anéantissement de tous
les Juifs du continent européen.
76.000 Juifs
de France furent déportés vers les camps d'extermination. Seuls 2.500 en sont
revenus.
Ces femmes,
ces hommes, ces enfants, ne pouvaient pas s'attendre au sort qui leur avait été
réservé. Ils ne pouvaient pas même l'imaginer. Ils avaient confiance dans la
France.
Ils
croyaient que le pays de la grande Révolution, que la Ville Lumière, leur
serviraient de refuge. Ils aimaient la République avec une passion inspirée par
la gratitude. C'est en effet à Paris, en 1791, sous la Constituante, que, pour
la première fois en Europe, les Juifs étaient devenus des citoyens à part
entière. Plus tard, d'autres avaient trouvé en France une terre d'accueil, une
chance de vie, une promesse de protection.
Ce sont
cette promesse et cette confiance qui furent piétinées il y a soixante-dix ans.
Je tiens à
rappeler les mots que le grand rabbin de France Jacob KAPLAN adressa au
maréchal PETAIN en octobre 1940, après la promulgation de l'odieux statut des
Juifs : « Victimes, écrivait-il, de mesures qui nous atteignent dans notre
dignité d'hommes et dans notre honneur de Français, nous exprimons notre foi
profonde en l'esprit de justice de la France éternelle. Nous savons que les
liens qui nous unissent à la grande famille française sont trop forts pour
pouvoir être rompus. »
Là se situe
la trahison.
Par-delà le
temps, au-delà du deuil, ma présence ce matin témoigne de la volonté de la
France de veiller sur le souvenir de ses enfants disparus et d'honorer ces
morts sans sépulture, ces êtres dont le seul tombeau est notre mémoire.
Tel est le
sens de l'exigence posée par la République : que les noms de ces suppliciés ne
tombent pas dans l'oubli.
Nous devons
aux martyrs juifs du Vélodrome d'Hiverla vérité sur ce qui s'est passé il y a
soixante-dix ans.
La vérité,
c'est que la police française, sur la base des listes qu'elle avait elle-même
établies, s'est chargée d'arrêter les milliers d'innocents pris au piège le 16
juillet 1942. C'est que la gendarmerie française les a escortés jusqu'aux camps
d'internement.
La vérité,
c'est que pas un soldat allemand, pas un seul, ne fut mobilisé pour l'ensemble
de l'opération.
La vérité,
c'est que ce crime fut commis en France, par la France.
Le grand
mérite du Président Jacques CHIRAC est d'avoir reconnu ici-même, le 16 juillet
1995, cette vérité.
« La France,
dit-il,la France, patrie des Lumières et des droits de l'Homme, terre d'accueil
et d'asile, la France, ce jour-là, accomplissait l'irréparable ».
Mais la
vérité, c'est aussi que le crime du Vel d'Hiv fut commis contre la France,
contre ses valeurs, contre ses principes, contre son idéal.
L'honneur
fut sauvé par les Justes, et au-delà par tous ceux qui surent s'élever contre
la barbarie, par ces héros anonymes qui, ici, cachèrent un voisin ; qui, là, en
aidèrent un autre ; qui risquèrent leurs vies pour que soient épargnées celles
des innocents. Par tous ces Français qui ont permis que survivent les trois
quarts des Juifs de France.
L'honneur de
la France était incarné par le général de Gaulle qui s'était dressé le 18 juin
1940 pour continuer le combat.
L'honneur de
la France était défendu par la Résistance, cette armée des ombres qui ne se
résigna pas à la honte et à la défaite.
La France
était représentée sur les champs de bataille, avec notre drapeau, par les
soldats de la France libre.
Elle était
servie aussi par des institutions juives, comme l'œuvre de secours aux enfants,
qui organisa clandestinement le sauvetage de plus de 5.000 enfants et qui
accueillit les orphelins à la Libération.
La vérité ne
divise pas. Elle rassemble. C'est dans cet esprit que cette journée de
commémoration avait été instituée par François MITTERRAND, et que, sous le
gouvernement de Lionel JOSPIN, fut créée la Fondation pour la mémoire de la
Shoah. C'est sous ce même gouvernement, avec Jacques CHIRAC, que fut installée
la commission d'indemnisation des victimes des spoliations antisémites, dont le
but était de réparer ce qui pouvait encore l'être.
Il me
revient désormais, dans la chaîne de notre histoire collective, de poursuivre
ce travail commun de mémoire, de vérité et d'espoir.
Elle
commence par la transmission.Beaucoup de dérives trouvent leur source dans
l'ignorance. Nous ne pouvons pas nous résigner à ce que deux jeunes Français
sur trois ne sachent pas ce que fut la rafle du Vel d'Hiv.
L'école
républicaine, à laquelle j'exprime ici ma confiance, a une mission : instruire,
éduquer, enseigner le passé, le faire connaître, le comprendre, dans toutes ses
dimensions. La Shoah est inscrite au programme du CM2, de la 3ème et de la
1ère.
Il ne doit
pas y avoir en France une seule école, un seul collège, un seul lycée, où elle
ne puisse être enseignée. Il ne doit pas y avoir un seul établissement où cette
histoire-là ne soit pleinement entendue, respectée et méditée. Il ne peut y
avoir, il n'y aura pas, pour la République, de mémoire perdue.
J'y
veillerai personnellement.
L'enjeu est
de lutter sans relâche contre toutes les formes de falsification de l'Histoire.
Non seulement contre l'outrage du négationnisme, mais aussi contre la tentation
du relativisme. Transmettre l'histoire de la Shoah, c'est en effet enseigner sa
terrible singularité. Ce crime reste, par sa nature, par sa dimension, par ses
méthodes, par l'effrayante précision de sa mise en œuvre, un abîme unique dans
l'histoire des hommes. Cette singularité-là doit être constamment rappelée.
Transmettre
cette mémoire, c'est enfin en retenir toutes les leçons.C'est comprendre
comment l'ignominie fut possible hier, pour qu'elle ne puisse plus jamais
ressurgir demain.
La Shoah
n'est pas née de rien ni venue de nulle part. Certes, elle fut mise en œuvre
par l'alliance inédite et terrifiante de l'obstination dans le délire raciste
et de la rationalité industrielle dans l'exécution. Mais elle a aussi été
rendue possible par des siècles d'aveuglement, de bêtise, de mensonges et de haine.Elle
a été précédée de multiples signes avant-coureurs, qui n'ont pas alerté les
consciences.
Notre
vigilance ne doit jamais être prise en défaut. Aucune Nation, aucune société,
aucune personne n'est immunisée contre le Mal. N'oublions pas ce jugement de
Primo LEVI à propos de ses persécuteurs : « Sauf exceptions, ils n'étaient pas
des monstres ; ils avaient notre visage ». Restons en alerte, afin de savoir
déceler le retour de la monstruosité sous ses airs les plus anodins.
Je sais les
craintes exprimées par certains d'entre vous. Je veux y répondre.
Consciente
de cette Histoire, la République pourchassera avec la plus grande détermination
tous les actes antisémites ; mais encore tous les propos qui pourraient
seulement amener les Juifs de France à se sentir inquiets dans leur propre
pays.
Rien, en la
matière, n'est indifférent. Tout sera combattu avec la dernière énergie. Taire
l'antisémitisme, le dissimuler, l'expliquer, c'est déjà l'accepter.
La sécurité
des Juifs de France n'est pas l'affaire des Juifs, c'est celle de tous les
Français, et j'entends qu'elle soit garantie en toutes circonstances et en tous
lieux.
Il y a
quatre mois, à Toulouse, des enfants mouraient pour la même raison que ceux du
Vel d'Hiv : parce qu'ils étaient juifs.
L'antisémitisme
n'est pas une opinion, c'est une abjection. Pour cela, il doit d'abord être
regardé en face. Il doit être nommé et reconnu pour ce qu'il est. Partout où il
se déploie, il sera démasqué et puni.
Toutes les
idéologies d'exclusion, toutes les formes d'intolérance, tous les fanatismes,
toutes les xénophobies, qui tentent de développer la logique de la haine,
trouveront la République sur leur chemin.
Chaque
samedi matin, dans toutes les synagogues françaises, à la fin de l'office,
retentit la prière des Juifs de France, celle qu'ils adressent pour le salut de
la patrie qu'ils aiment et qu'ils veulent servir : « Que la France vive
heureuse et prospère. Qu'elle soit forte et grande par l'union et la concorde.
Qu'elle jouisse d'une paix durable et conserve son esprit de noblesse parmi les
Nations ».
Cet esprit
de noblesse, c'est la France tout entière qui doit en être digne.
Enseigner
sans relâche la vérité historique ; veiller scrupuleusement sur le respect des
valeurs de la République ; rappeler sans cesse l'exigence de tolérance
religieuse, dans le cadre de nos lois laïques ; ne jamais céder sur les
principes de liberté et de dignité de la personne ; toujours promouvoir la
promesse de l'égalité et de l'émancipation. Voilà les mesures que nous devons collectivement
nous assigner.
C'est en
pensant aux vies qui n'ont pu s'accomplir, à ces enfants privés d'avenir, à ces
destins fauchés prématurément que nous devons porter à un niveau plus élevé
encore les exigences de nos propres existences. C'est en refusant les
indifférences, les négligences, les complaisances, que nous nous rendrons plus
forts ensemble.
C'est en
étant lucides sur notre propre histoire que la France, grâce à l'esprit de
concorde et d'union, portera le mieux ses valeurs, ici et partout dans le
monde.
Vive la
République !
Vive la
France !
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