DISTINCTION
ENTRE PRISONNIERS
Les
internés du camp étaient de toutes les conditions sociales et étaient divisés
en plusieurs catégories :
- Les
criminels proprement dits,
-
Les détenus politiques,
-
Les homosexuels,
-
Les personnes qui, soi-disant, refusent de
travailler,
- Les
militaires de tous les grades qui avaient commis une faute grave contre la
discipline, en particulier le refus d’obéissance.
Cette
dernière catégorie est appelée à la S.A.W. « Sonder-abteilung-Wehrmacht ».
Chaque
détenu portait son numéro d’inscription sur le côté gauche de la poitrine et
sur la cuisse droite. Directement au-dessous du numéro, se trouvait un triangle
en étoffe colorée. Dans le triangle était indiquée la nationalité du
détenu : F pour les Français, P pour les Polonais, R ou SU pour les
Russes. Les détenus allemands ne portaient aucune indication de nationalité.
Voici
la signification des triangles de couleur :
- Triangle
rouge : prisonniers politiques en protection surveillée,
-
Triangle vert : criminels de profession,
-
Triangle noir : réfractaires,
-
Triangle rose : homosexuels,
-
Triangle violet : membres de la secte
religieuse de « Bibel Forscher »
- Triangle
marron : tziganes
Les
prisonniers juifs diffèrent des prisonniers aryens par le fait que le triangle
(rouge dans la plupart des cas) est changé par une étoile de David par
l’adjonction de pointes jaunes.
NN
(Nacht und Nebel), c’est-à—dire condamnés à mort. Ce nom de Nacht und Nebel
avait été emprunté à une organisation secrète de la résistance hollandaise.
Au
camp, personne ne sait exactement ce qu’est un NN, sauf qu’en principe ils ne
peuvent pas partir avec les convois travailler avec les groupes qui sortent du
camp.
Il
y avait parmi les déportés, celles appartenant à la catégorie NN. On cite
parmi elles Marie-Claude Vaillant-Couturier et Geneviève de Gaulle qui furent
soumises à un dur régime.
Tous
les prisonniers sont traités de la même façon, quelle que soit leur catégorie
ou leur nationalité.
Devenus
mi-clochards, mi-forçats, toutes les distinctions étaient effacées.
Quant
à l’expression « internées politiques », c’est la plaisanterie la
plus grosse et le plus amère qui ait jamais été. Quand je suis venue ici
prisonnière politique, dans un convoi composé uniquement de prisonnières
politiques, on nous a vêtues de robes de prisonnière à raies et nous avons dû
nous rendre compte que c’était purement et simplement les travaux forcés,
auxquels étaient ajoutées les joies des punitions corporelles – comme 25 coups
de fouets, etc.- ou alors le Buncker, le cachot noir et rien à manger.
*
* *
Décrire
en détail notre vie pourrait sembler monotone.
Partout,
dans les lieux que nous devions traverser, se trouvaient les dénommés kapos
(criminels récidivistes allemands armés de massues).
Les
claques et les coups étaient les événements journaliers que personne ne
considérait plus comme quelque chose d’extraordinaire.
Les
coups de pied et de matraque pleuvaient, même si on était malade.
Le
traitement était le même pour tous, aussi bien Français qu’Allemands ou
d’autres nationalités.
Les
commandements se faisaient exclusivement en langue allemande. Ceux qui, parmi
nous, ne comprenaient pas l’allemand et ne pouvaient, à cause de cela, exécuter
rapidement les ordres, recevaient des coups de pied, des gifles, etc.
En
4 mois, je reçus, dans une période de 10 à 14 jours, un total de 175 coups de
bâtons sur le derrière. Dans cette même période, je fus pendu par les poignets,
chaque jour, 25 minutes durant.
On
voyait fréquemment une trentaine de détenus battus par les S.S. à coups de tube
de caoutchouc, et qui recevaient sur tout le corps 50 à 70 coups.
On
m’a battu le premier jour parce que j’avais demandé un peu d’eau.
N’ayant
pas bien fait mon lit, le premier soir, je fus obligé de danser toute la
nuit ; dès que je m’arrêtais, je recevais des coups.
Un
S.S. frappait, soit avec une matraque, soit avec sa pelle ou tout ce qui lui
tombait sous la main, les internés qui se trouvaient à côté de lui et ce sans
le moindre motif. Lorsque les rangs étaient formés, il s’amusait à donner des
coups de pied et de poing aux malheureux qui étaient près de lui, comme un
forcené. Cet individu a été nommé « le matraqueur » parce qu’il avait
toujours sur lui une matraque avec laquelle il frappait sauvagement les
internés.
Un
autre S.S. éprouvait une jouissance particulière à chasser les internés de leur
cellule, à leur faire exécuter des génuflexions jusqu’à ce qu’ils ne puissent
plus se relever, puis il piétinait leurs têtes de ses talons ferrés jusqu’à ce
que le sang jaillisse du nez et des oreilles.
Un
block-führer était nettement fou. Il hurlait et se mettait à cogner sans aucune
raison. Il faisait mettre les détenus au garde-à-vous devant lui et leur
donnait des coups de pied dans le ventre.
Il
faisait coucher les hommes dans la boue, se relever, puis s’étendre à nouveau.
Il en profitait alors pour distribuer coups de trique, coups de pied dans les
reins, les parties génitales, le ventre, etc.
L’âge
même ne comptait plus sinon comme un signe de faiblesse qui invitait aux coups.
Parce qu’il avait osé s’asseoir sur la paillasse, le général B. de F., âgé de
80 ans, fut battu par son chef de block jusqu’à l’évanouissement.
Lorsque
le Lagerführer constatait un manquement quelconque à la discipline du camp, il
nous imposait des séances de brimades baptisées « sport » pendant une
demi-heure et parfois une heure ; nous devions courir autour du camp, ramper,
marcher à croupetons et nous étions frappés pendant ce temps à coups de bâtons
par les Allemands verts et rouges.
J’ai
vu certains hommes mourir de ces séances de « sport » ; j’ai vu
également beaucoup de camarades mourir sous les coups. Au cours de l’année
1943, ce « sport » avait lieu environ tous les deux jours.
Il
y a eu, pendant notre présence à Auschwitz, 40 à 45 Français d’abattus pour
être sortis des blocks en dehors des heures permises.
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