HYGIENE
Pas
de douches, très peu d’eau.
Comme
nous nous couchions habillés nous devions, rapides comme l’éclair, nous
déshabiller pour nous laver car la porte s’ouvrait déjà et malheur à celui qui
ne se présentait pas immédiatement complètement nu devant le robinet. Malheur
également à celui qui, dans cette demi-minute, n’était pas retourné à sa
cellule. Quand un interné n’avait reçu que trois coups de cravache dans ce laps
de temps, il pouvait s’estimer heureux. Etant donné ce procédé, il était tout
juste possible de se laver le visage.
L’eau
était polluée, il n’y avait d’ailleurs qu’un seul robinet d’eau pour un total
de 10 000 femmes. Pour réussir à avoir de l’eau, il fallait aller faire la
queue dans la neige ou dans les flaques d’eau.
1 400
personnes devaient faire leur toilette dans une pièce pouvant contenir 60 personnes
maximum et la toilette devait être faite dans le délai d’une heure, ce qui
pratiquement était impossible ; la plupart des détenus ne faisaient donc
pas leur toilette. Un surveillant placé à l’entrée de la porte activait les
ablutions à coups de matraque.
A
la baignade, auprès du bassin, se tenaient deux Allemands repris de justice,
condamnés pour de multiples vols et assassinats qui tapaient sur tous ceux
d’entre nous qui, à leur tour de rôle, devaient sauter dans le bassin. Certains
de mes camarades passaient avec une telle précipitation qu’ils arrivaient à ne
recevoir que quelques coups de bâton. Mais d’autres n’avaient pas encore eu le
temps de s’approcher du bord que déjà leur cervelle giclait de la tête.
Nous
étions en plein mois d’août et nous n’avions pas d’eau à boire. Nous recevions
un peu d’eau pour faire la vaisselle mais nous la gardions pour la boire et,
lorsque les femmes avaient absolument besoin de faire une toilette
indispensable, on leur donnait un quart d’eau dont nous nous privions.
Pour
l’hygiène de la femme, pas d’eau chaude, bien entendu, ni savon, ni serviette,
que des chiffons, le plus souvent sales.
Un
jour, les femmes allemandes qui nous gardaient ont découvert qu’il nous restait
de l’eau dans l’après-midi et que nous avions conservé un peu de soupe pour les
plus jeunes afin de leur donner le soir. Elles ont tout repris.
Les
femmes s’aidaient pour transporter l’eau qui était au bout du camp. Le soir, en
plein froid, elles transportaient l’eau dans des boîtes afin de se laver,
mortes de fatigue par le travail, mal couchées dans ces salles sans lumière,
sans feu, sur la paille comme des chiens.
La
plupart des détenus allaient chercher de l’eau croupie aux cabinets, ils
attrapaient la dysenterie qui tuait plus de monde que le typhus.
Les
cabinets d’aisance étaient constitués par 12 caisses en bois placées à l’entrée
des galeries, dont la capacité était absolument insuffisante aux besoins de 700
hommes ; les suintements et le trop plein de ces tinettes improvisées
coulaient le long des galeries et jusque sur les planches où reposaient les
prisonniers.
A
Birkenau, les W.C. étaient composés de planches au-dessus d’une fosse.
Dans
chaque feld il y avait deux W.C. en plein air.
De
tristes choses se sont passés dans les W.C. : on y a vu des femmes
avorter, envelopper les bébés dans des papiers et les jeter dans ces tranchées.
Aussitôt
le déjeuner terminé, tout le personnel du block est rassemblé et conduit en
colonnes au W.C. . Cette autorisation leur est donnée une fois par jour. Celles
qui sont surprises à uriner autour du block sont punies de 10 à 25 coups de
gourdins suivant leur constitution. Souvent nous avons vu de ces malheureuses
frappées par la femme S.S., pour ce motif, si violemment que quelques heures
après, la mort s’ensuivait.
Lorsque
la nuit la dysenterie vous obligeait à sortir, c’était une expédition
impossible que d’aller jusqu’au W.C. Le camp se trouvait naturellement couvert
d’excréments et si on était surprise par une gardienne ou une monitrice alors
qu’on n’avait pu atteindre les W.C., c’était des bastonnades sans nom.
Ces
blocks étaient remplis de puces.
L’entassement
nous obligeait à être 4 et 5 par paillasse et il était impossible dans ces
conditions de se débarrasser de la vermine. Il y avait aussi l’impossibilité de
faire sa toilette dans une pièce de quatre mètres sur trois mètres avec 12
robinets pour 500 hommes, une demi-heure nous étant impartie pour cette
opération.
Pendant
quatre mois je n’ai pas changé de linge,, celui-ci finissait par tomber en
loque. Comme on tuait en moyenne 100 à 200 poux par jour, le linge passait par
toutes les couleurs, rouge, brun, noir. Le liquide s’écrasait sur le linge
lorsqu’on tuait les poux l’empesait et j’ai vu un détenu n’ayant pas eu le
courage ni la possibilité de laver sa chemise pendant quelques semaines, la
faire tenir debout lorsqu’il l’ôtait.
Ce
manque total d’hygiène vous fait donc la proie de toute sorte de vermine. Vos
nuits, déjà assez courtes, sont troublées par les piqûres des puces et des
punaises ; les poux de tête sont les compagnons de tous les jours. Ils
sont en si grande quantité que vous n’avez aucun moyen de vous en débarrasser.
Si
une femme savait s’entretenir au point de vue poux, elle était obligée d’en
reprendre par ses couvertures. C’est ainsi qu’un soir j’ai reçu à la nuit une
couverture et au bout d’une heure j’étais couverte de plus de 1 000 poux.
Un
jour on décida de nous désinfecter des poux. Toutes les femmes et tous les
enfants furent mis nus, on imprégna sur toutes les parties velues du corps une
pommade, après quoi tout le monde fut entassé dans un block à même le plancher.
Pendant la nuit, les chiens furent lâchés et de nombreux enfants et femmes
furent mordus. Ceux qui voulaient se mettre à l’abri de ces morsures devaient
grimper sur les placards. Après deux jours et une nuit passés dans ces
conditions, nous fûmes réintégrées dans nos blocks à la suite de l’appel qui
nous obligea à rester toutes nues sous la neige pendant deux heures. Enfin
rentrées, nous trouvâmes les housses de paillasses enlevées ainsi que les
couvertures et avons couché sur de la paille pourrie (des copeaux) et les poux
n’avaient jamais été en quantité si abondante.
Pour
trouver quelques heures de sommeil il était indispensable de se déshabiller
chaque soir entièrement malgré l’humidité et de s’épouiller aussi soigneusement
que possible. Ceux dont les forces défaillantes ou la lassitude morale ne leur
permettait plus ce nouvel effort, étaient bientôt couverts de plaies
purulentes. Certains de mes compagnons ne s’étaient plus déshabillés depuis des
mois.
Vous
êtes donc atteinte de quelque temps de toutes sortes de maux : grosses
plaies, gale, avec douleurs intolérables, etc.
Nombreuses
étaient celles qui avait la gale, des plaques noires sur la peau, toujours
sale. D’autres avaient de gros boutons.
Beaucoup
souffraient de plaies aux pieds car elles avaient beaucoup marché et elles
travaillaient toujours ; elles étaient pleines de vermine, mal coiffées,
se grattaient sans cesse ; les Allemands ne les touchaient pas, ne les
approchaient pas et se tenaient à cinq mètres au moins pour leur parler.
Les
poux, les punaises et les puces étaient très nombreux, ils propageaient la
fièvre typhoïde.
A suivre : Administration-Règlemment-Discipline
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