ADMINISTRATION
– REGLEMENT – DISCIPLINE
Le chef de camp. La
terreur du camp était un brutal « Obersturmführer S.S.
Le
personnel de surveillance était fourni par les S.S. de la division « Tête
de Mort ». Les cadres étaient allemands, tandis qu’une grande partie des
hommes de troupe étaient des Polonais, Roumains, Hongrois et Croates. De plus
il y avait des volontaires.
L’administration interne du
camp est opérée par des prisonniers spécialement choisis. Les quartiers sont
occupés, non pas selon la nationalité, mais plutôt selon la catégorie de
travail. Chaque quartier est administré par une équipe de cinq, comprenant un
doyen de quartier, un secrétaire de quartier, un infirmier et deux aides.
Le doyen de quartier porte
un brassard qui indique le numéro de son quartier et il est responsable de
l’ordre dans celui-ci. Il a pouvoir de vie et de mort. Avant février 1944, près
de 50% des doyens de quartier étaient des Juifs, mais un ordre de Berlin fit
cesser cet état de choses. Tous durent résigner leurs fonctions à l’exception
de trois Juifs, capables, en dépit de cet ordre, de garder leur poste.
Le secrétaire de quartier est
la main droite du doyen de quartier. Il fait tout le travail du bureau et
s’occupe des fiches et des registres. Son travail comporte une grosse
responsabilité et il doit garder ses livres avec une exactitude scrupuleuse.
Chefs de blocks et kapos.
Nous sommes encadrés par des condamnés de droit commun allemands qui sont dans
les camps ou prisons pour leurs crimes ou vols depuis 8, 10, 12 ans ….. et qui
font régner sur nous un régime de terreur, encouragés par les nazis.
Les
chefs de blocks se sont montrés des auxiliaires précieux pour les boches en
aidant ceux-ci dans leur travail d’extermination. Eux aussi avaient le droit de
vie et de mort sur leurs camarades de block.
De
plus on y entretenait 200 chiens loups allemands qui constituaient un élément
d’importance dans la garde du camp, et puis une police auxiliaire dit la
Kampfpolizei, recrutée par les criminels de droit commun.
Les
détenus étaient divisés en kommandos de travail. A la tête de chaque kommando
ill y avait un kapo, détenu allemand. L’insigne de ses fonctions étaient le
bâton.
Les
criminels professionnels étaient tous kapos.
Ces
postes étaient obtenus par un certain nombre de relations d’où découlaient des
prérogatives. « Ces stubendienst » nous ont fait autant souffrir que
les S.S. Il y en avait de toutes les nationalités : des Russes, des
Ukrainiens, des Polonais. Alors que les soldats de l’armée rouge qui se
trouvaient dans le camp avaient une mentalité remarquable, tous les stubendienst
étrangers étaient choisis parmi la racaille et les voleurs.
Les
2/3 des chefs de blocks, des kapos, des vorarbeiters (contremaîtres), étaient
des assassins, des escrocs, des faussaires allemands, qui avaient pratiquement
sur nous droit de vie ou de mort, et ne se privaient pas de l’exercer, assurés
de l’impunité.
Aucune
possibilité de révolte contre le kapo car à la moindre tentative c’était
l’exécution qui était non seulement tolérée mais approuvée par les S.S. C’est
ainsi qu’un jeune Russe, qui s’était révolté, a été battu à coups de cravache
jusqu’à la mort. Interrogé sur ce fait par les S.S., le kapo a été vivement
félicité pour son action énergique du maintien de la discipline.
Les
femmes vivaient dans les mêmes conditions que les hommes, à cette différence
près qu’elles étaient gardées par des femmes S.S.
Nous
étions dirigées par une commandante et un commandant assistés de nombreux
soldats que nous appelions des offizierinnen. Nous n’étions guère en contact
avec le commandant.
Les
offizierinnen : la plupart étaient elles-mêmes condamnées au bagne. Celle
qui commandait dans notre block était condamnée aux travaux forcés à
perpétuité. Elle avait tué son père et sa mère.
En
Allemagne, les jeunes filles de 18 ans étaient mobilisées et suivaient des
cours pour savoir bien gifler et faire le travail des camps de concentration.
Après, elles étaient envoyées dans les différents camps.
Chez
nous, de nombreuses jeunes surveillantes étaient en camp-école. Elles
apprenaient les traitements à faire subir aux prisonnières. Ces élèves
surveillantes étaient généralement allemandes ; il y avait aussi de
nombreuses femmes de pays annexés : Roumanie, Hollande, Grèce,
Tchécoslovaquie. Ces femmes étaient requises.
A
un moment donné, les autorités allemandes manquaient de femmes S.S. On les
recrutait alors d’office dans les usines sans même qu’elles aient le temps de
prévenir leur famille. Elles étaient ramenées au camp où elles étaient
enfermées par groupe de 50. Un jour, elles étaient mise à l’essai, on faisait
venir devant elles une internée au hasard et l’on demandait à ces 50 nouvelles
S.S. de la frapper. Je me souviens que sur plusieurs contingents de femmes
S.S., 3 seulement ont demandé pourquoi, et l’une seulement s’est refusé à le
faire, ce qui lui a valu d’ailleurs d’être elle-même emprisonnée. Toutes les
autres se sont vite faites à ce métier, comme si elles l’avaient toujours
exercé.
Chaque
block de 3 à 400 déportées était commandé par une blockowa ou stupowa.
Elles
aussi avaient droit de vie ou de mort sur leurs camarades de block. J’ai vu et
entendu moi-même une blockowa dire à une pauvre fille qui avait réussi à se
procurer une belle paire de bottes : « Donne-moi tes bottes ou sinon
je te fais envoyer au crématoire à la prochaine sélection » ; ce
qu’elle n’aurait pas hésité à faire en cas de refus.
Telle
était, en général, la mentalité de ces chefs de blocks ou des blockowa. Ils ou
elles ne manquaient de rien : bijoux,, fourrures, vêtements, argent,
nourriture. Comme beaucoup d’internés recherchaient leur protection, ils se
débrouillaient ou, plutôt, pour employer l’expression allemande, ils
« s’organisaient » pour se procurer ce qui était envié ou demandé par
leurs chefs de bloks ou blockowa.
Cet
abaissement de l’homme, cette promiscuité qui le dégrade, quand elle ne tue
pas, cette mêlée où le criminel et le patriote sont volontairement confondus,
ont été sciemment voulus et organisés par les nazis.
Hitler,
dans Mein Kampf, avait exposé sa
trouvaille de troubler les rapports des victimes entre elles, de créer la haine
et le dégoût, de favoriser la délation, bref, de rabaisser l’homme. Ceux qui
transmettaient ces consignes raffinèrent encore sur l’invention, ils confièrent
l’autorité à des prisonniers de droit commun, forçats devenus geôliers.
*
* *
Aucun
règlement n’était affiché ou fait savoir aux prisonniers par un autre moyen.
Aucun
règlement n’existait. Rien n’était défendu, sans doute parce que tout l’était.
Un geste permis un jour, valait le lendemain d’être soumis des heures durant
aux brutalités des S.S.
C’est
la loi de la jungle, la justice est sommaire.
En
mai 1941, l’assassinat du Juif H… par un
S.S. Oberscharfürer, amena l’exécution de tous les témoins du crime, au nombre
de 30, parce que le frère de H… présent à l’assassinat, s’était plaint de
l’arbitraire de cet acte, en indiquant les normes de ceux qui y avaient assisté.
Etant
donné que les fiches indiquent seulement le nombre et non pas le nom des
prisonniers, les erreurs sont fatales. Par exemple, si le secrétaire indique
par erreur un décès, ce qui est souvent le cas, étant donné la mortalité
exceptionnellement élevée, la faute est tout simplement réparée par l’exécution
du porteur du numéro correspondant. Les corrections ne sont pas admises. Le
secrétaire du quartier occupe un poste de choix qui permet de nombreux abus.
Les
règlements de compte se faisaient sans l’intervention des S.S.
Un
détenu vert pouvait tuer un rouge. Un homme est trouvé mort, un jour, noyé dans
un bassin, assommé sur le pavé, broyé contre une machine, on l’enlève pour le
crématoire : nulle enquête, nul commentaire. La vie continue.
Inutile
de se plaindre, jamais les S.S.
n’intervenaient.
La
seule explication que les S.S. donnaient aux détenus étaient celle qu’aucun
captif ne devait jamais sortir vivant de ces lieux.
Les
S.S. qui régnaient sur le camp étaient soutenus avant tout par leur assurance
que tous les prisonniers arrivés dans ce camp, qu’ils soient prisonniers de
guerre ou détenus russes, ukrainiens, polonais, biélorrussiens, juifs, français
ou grecs, etc. seraient tôt ou tard, exterminés et ne pourraient raconter ce
qui s’y passait. C’est surtout cette assurance qui réglait la conduite des
gardiens et les méthodes d’extermination employées au camp. Les morts sont
muets et ne peuvent rien raconter. Ils ne peuvent faire connaître les détails,
ni confirmer ces détails par des documents. Par conséquent, personne ne
détiendrait jamais des preuves, et là était l’essentiel, selon les Allemands.
A suivre : Distinction entre prisonniers
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