LE CORPS MÉDICAL ALLEMAND
Les médecins ne sont pas employés comme
médecins mais tout au plus comme porteurs de cadavres. Ceux qui faisaient
réellement fonction de médecins étaient des S.S. qui généralement avaient fait
des études médicales extrêmement réduites.. et nous étions sous leurs ordres.
Je me trouvais sous la direction d’un
sanitaire allemand qui était un caporal…. Il arrivait à la consultation un
bâton à la main et frappait les camarades. Un jour il me demanda si je ne
voulais pas faire des piqûres de goudron dans le bulbe pour exécuter certains
détenus car, il n’y avait pas assez de morts dans le camp.
Le service médical était assuré et dirigé par
les détenus allemands dont aucun ne possédait de formation professionnelle,
n’ayant jamais été médecin, ni infirmier. Le kapo chef était un ancien détenu
allemand et les autres étaient, soit des menuisiers, des bouchers, des
cordonniers. C’étaient eux, cependant, qui décidaient de l’admission ou du
rejet des malades. Je citerai par exemple le cas du professeur Richet qui
dirigeait un service mais qui était contrôlé par un ancien menuisier allemand.
Tout ceci était fait au su et vu de tout le monde et des S.S. et avec
l’assentiment du médecin chef S.S. du camp.
Mon chef, qui était 10 ans auparavant
forgeron, était devenu chef de la dissection. D’ailleurs la tâche de ce
forgeron était simplifiée par le fait qu’il possédait des diagnostics officiels
bien rédigés qu’il copiait et envoyait à Berlin. Il ne s’occupait pas du reste.
Il existait ainsi environ 8 diagnostics pathologiques, préparés à l’avance, que
l’on recopiait et que l’on attribuait au hasard à un cadavre.
Le service chirurgical a été assuré par un
Allemand qui se prétendait chirurgien à Berlin. C’était un détenu de droit
commun. Il tuait son malade à chaque opération par incompétence.
Le personnel médical se composait d’un
directeur d’hôpital allemand aryen, qui était dans la vie serrurier, et qui se
chargeait de toutes les opérations chirurgicales.
La direction du block était assurée par deux
Allemand remplissant le rôle d’infirmiers. Hommes sans scrupules, qui faisaient
les opérations chirurgicales sur place avec un nommé H…, maçon de métier. Ce
dernier faisait les grandes interventions sur place et ouvrait profondément la
jambe pour le moindre phlegmon.
Fin 1943 et commencement 1944, une salle d’opération fut installée, dans
laquelle se faisait la grande chirurgie. Le médecin T…, pour se faire la main,
obligeait tous les détenus atteints de hernie à se faire opérer. Après ces
opérations, il faisait une sélection parmi ses malades, déclarant la plupart
« inaptes au travail » et les envoyait à la chambre à gaz.
Il est arrivé que des médecins employés dans
l’hôpital essayaient de dissimuler quelques malades. Ce médecin les a menacés
de les exécuter s’ils recommençaient.
Le même médecin T… a également obligé des
femmes à se faire opérer de fibromes et de différentes tumeurs gynécologiques
pour se faire la main.
Tout détenu d’origine juive qui venait se
plaindre de maux d’estomac subissait immédiatement tous les examens
nécessaires : examen du sang, analyse du suc gastrique, recherche du sang
dans les sels, etc. Indépendamment du résultat de ces recherches, les victimes
étaient déclarées atteintes d’ulcères à l’estomac et subissaient l’opération de
Billroth n°1 et n°2. Ces gens, après l’opération, ne recevaient pas les soins
nécessaires à leur état de santé, les Juifs n’étaient même pas mis à la diète
lactée ; quelques jours plus tard, au cours d’une sélection, les victimes
étaient dirigées sur la chambre à gaz.
Le docteur K…, de la promotion 1943, voulut
apprendre les amputations de toutes sortes, aussi coupait-il les doigts pour un
simple panaris ne nécessitant qu’une petite incision. Pour un phlegmon dans la
jambe où une incision aurait suffi, K…. pratiquait des amputations qu’il
variait suivant les méthodes chirurgicales ; les victimes finissaient
toujours dans une sélection.
F…choisissait, parmi les gens récemment
arrivés au camp, tous ceux qui étaient atteints de hernie et il les opérait
suivant les méthodes connues indiquées par les manuels allemands.
La salle de chirurgie septique a toujours été
confiée à des médecins détenus allemands qui étaient sans aucune capacité
professionnelle. Ces hommes sont responsables de la mort de quantité de détenus par leur intervention chirurgicale inopportune et pratiquée sur ces
malades à titre de véritables expériences médicales.
Le médecin-chef du camp pratiquait des
opérations « par pure fantaisie » et souvent sans anesthésie
(amputation, castration, ovariotomie, etc.) 8 opérés sur 10 mouraient de
septicémie.
Nous avons placé un jeune homme sur un
brancard, il avait une inflammation de l’ombilic et un jeune médecin S.S. qui
n’avait jamais opéré voulait s’exercer sur lui. Je le transportai à la salle
d’opération et j’ai su, par les Leichentrager qui l’ont emporté, qu’il était
mort le soir même.
Certains médecins allemands opéraient
consciencieusement, mais après les opérations d’ulcère à l’estomac je les ai
vus apporter à l’opéré de la viande et des pommes de terre. Au bout d’un
certain temps, ils les envoyaient au gaz.
EXPÉRIENCES MÉDICALES ET VIVISECTION
Les Allemands faisaient des expériences
médicales et ils avaient réservé plusieurs blocks à cet effet. Les cobayes
étaient naturellement des détenus.
Entendez-moi bien, les cobayes sont les
hommes et l’on expérimente sur eux les produits qui servent à détruire : le
gaz nouveau ou liquide incendiaire aussi bien que ceux qui doivent
guérir : vaccin ou antivirus.
Il y avait des expériences faites à
l’infirmerie de Neuengamme pour la tuberculose. Un docteur de Berlin venait
toutes les semaines. Il orientait et réglait les expériences lui-même. Deux
docteurs français ont été témoins de ces expériences. Ils m’en ont parlé
souvent mais ils étaient toujours extrêmement discrets car ils craignaient les
représailles et se réservaient de donner des explications et détails
complémentaires dès leur arrivée en France ; malheureusement je crains
qu’ils soient disparus tous deux.
L’un d’eux m’a dit un jour que ces
expériences étaient absolument grotesque car l’emploi du remède utilisé pouvait
se comparer à l’emploi d’un canon de 420 contre une mouche ; autrement
dit, le remède était extrêmement brutal et plus dangereux que la maladie
elle-même.
Dans le block n°20, se trouvait une grande
salle de tuberculeux. Les usines Bayer envoyèrent un médicament sous forme
d’ampoules ne portant aucune indication. On faisait, avec ces ampoules, des
piqûres aux tuberculeux. Ces malheureux n’ont jamais été gazés, mais on
attendait leur mort qui survenait très rapidement. Tous les tuberculeux du camp
présentaient un terrain spécial qui favorisait l’évolution ultra-rapide de
l’affection en raison des conditions d’hygiène du camp qui étaient déplorables.
A l’autopsie, on prélevait des fragments de
poumons et des ganglions trachéo-bronchiques qui étaient envoyés, aux fins
d’étude, à un laboratoire indiqué par l’usine.
150 femmes juives achetées par
« Bayer » à l’administration du camp d’Auschwitz, placées dans un
block de femmes en dehors du camp, servirent à des expériences de médicaments,
inconnus, à contenance hormonale.
Un institut allemand a demandé que des
expériences soient faites avec de l’évipan soporifique anesthésique employé en
injections intraveineuses.
Naturellement, ce furent encore les détenus
qui firent les frais de ces expériences et ce au camp du Buna. On demanda à cet
effet à l’S.S. du Révier 6 000 ampoules d’évipan.
Buchenwald, était un grand centre d’étude sur
le typhus exanthématique qui dépendait de l’institution d’hygiène S.S. de
Berlin, dont le chef était un médecin-chef S.S. Le centre d’études était
installé « au block 46 » et aménagé avec les derniers
perfectionnements et un grand luxe. Il comprenait un centre diagnostic, le
laboratoire, les locaux de préparation de vaccin (destiné aux besoins de l’armée
allemande). Étant donné que le microbe du typhus est pratiquement impossible à
conserver dans un bouillon de culture, dans un tube de verre par repiquage,
comme pour la majorité des autres microbes, la conservation des souches du
typhus se faisait sur l’individu vivant. Chaque individu était une souche
vivante du microbe de typhus.
Bien souvent, on expérimente sur les détenus
des vaccins nouveaux.
Le camp recevait de l’Institut Weigl de
Cracovie et d’Italie, que l’on devait expérimenter et améliorer. On devait
choisir les cobayes, de préférence parmi des « droits communs »
verts, mais comme c’était le kapo qui les désignait, on pouvait envoyer
n’importe qui au block 46, et il y eut des politiques français, des gens de la
Résistance qui y ont été envoyés. On y expédiait, les gens dont on voulait se
débarrasser.
Choix des cobayes :
1° Certains étaient volontaires parce que
bien nourris, aucun travail, bien traités. Pour beaucoup, espoir de vivre
quelques semaines de plus
2° Désignés d’office parmi les verts (détenus
de droit commun allemands)
Pour une expérience de vaccin on prenait par
exemple 100 personnes : 80 recevaient une vaccination préventive et, 15
jours après la dernière piqûre de vaccination, on injectait à ces mêmes détenus, en
intraveineuse, 5 cm cube de sang virulent de typhique en pleine crise.
Parallèlement, les 20 autres détenus, qui n’avaient pas été vaccinés et
servaient de « témoins », recevaient la même quantité. Au bout de 4 à
5 jours, les témoins mouraient ou
commençaient à mourir car lorsqu’on reçoit une injection comme celle-ci, il n’y
a pas d’exemple qu’on puisse être sauvé. En général, 1/10e de cm3 suffit pour déterminer la mort.
Les vaccinés eux, ne mouraient pas tous et
les Allemands établissaient une échelle de la valeur du vaccin par rapport aux
« témoins », et ils avaient ainsi une courbe d’efficacité basée sur
la rapidité et le nombre des gens qui mouraient par rapport aux rescapés . Au bout de 2 ou 3 mois, il y avait un certain nombre de
survivants, si le vaccin avait été efficace. Dans ce dernier cas, les
survivants étaient « liquidés » par une piqûre de phénol
intracardiaque.
En 1944, 200 personnes sont mise à la
disposition du docteur V.H., et 150 sont alors immunisées contre le typhus
exanthématique, 50 réservées comme témoins. A l’ensemble des 200, il a alors
inoculé du virus typhique. L’expérience terminée, si les sujets n’étaient pas
morts, ils étaient exterminés et incinérés.
A la fin octobre 1943, on donna l’ordre à
notre section pathologique d’envoyer au plus tôt de magnifiques préparations
anatomiques aux principales universités d’Allemagne. A la même époque, on fonda
une station spéciale pour la tuberculose, ainsi que la station
« Histologie » qui reçut l’ordre d’étudier immédiatement toutes les
formes de tuberculose par des préparations histologiques. En même temps, une collection
complète de préparation d’organes sains comprenant plus de 2 000
préparation envoyée à l'Université d'Innsbrudk. Ces préparatuibs étaient précieuses parce qu’elles provenaient de gens absolument
sains et que l’on avait ensuite soit pendus, soit passés au crématoire.
Dans le block n°20, les Allemands faisaient
également des expériences, avec un médicament à base de sulfamide dénommé B.
1034, qui était utilisé pour un grand nombre de maladies ce médicament s’est
révélé favorable au traitement dans l’ensemble, mais sans succès dans le
traitement des phlegmons et des plaies.
La recherche de la valeur médicamenteuse du
B.1034 fut également poursuivie dans le block chirurgical n°21 sur un très
grand nombre de malades, mais sans résultat sur l’évolution des plaies et sur
les grandes suppurations. Plusieurs cas de septicémie eurent une issue fatale,
bien que traitées avec ce médicament.
De nouvelles toxines et antitoxines, en
particulier, étaient essayées sur les prisonniers. Peu de prisonniers qui sont
entrés dans ce bâtiment pour « expériences » en sont ressortis vivants.
Un jour, des infirmières allemandes sont
venues à l’infirmerie, block n°10, et ont demandé : « Quelles sont
celles, parmi vous, qui ne dorment pas ? » Beaucoup de jeunes femmes
levèrent la main ; 18 reçurent une dose plus ou moins forte d’une poudre
blanche, dont nous ne connaissions pas la teneur, mais nous pensions qu’elle
était à base de morphine. Sur les 18, 10 sont mortes le lendemain matin.
C’était certainement une expérience.
Dans un autre camp, ils faisaient des
expériences par blocks entiers, principalement sur les vieilles femmes. Les
femmes recevaient de la poudre blanche et le lendemain, il y avait 60 ou 70
cadavres.
J’ai vu en septembre 1944 prendre 10 hommes
valides. Après leur avoir fait absorber une drogue ressemblant au rhum, tant au
point de vue couleur qu’au point de vue odeur, ils se sont endormis. Dans la
nuit 4 sont morts.
Des prêtres polonais ont eu des injections de
microbes de malaria et de phlegmons ; beaucoup sont morts. Un prêtre
allemand lui-même a subi par deux fois des injections de microbes de malaria.
Pendant mon séjour, d’autres expériences ont
été faites au block 46 ; il s’agissait de trouver une médication pour la
cicatrisation des brûlures des bombes au phosphore jetées par les Américains.
Ils avaient essayé toute une série de médications qui n’avaient pas donné de
bons résultats. On a donc choisi une cinquantaine de Russes. On leur a brûlé le
dos au phosphore avec « témoins » ne recevant pas de médication. On
notait la rapidité de cicatrisation des plaies entre ceux qui recevaient une
médication et les « témoins ». Lorsque l’expérience était terminée,
au bout de trois mois, tous les survivants étaient « liquidés ».
On convoqua, un dimanche, 4 convalescents de
constitution robuste et on leur fit absorber à chacun un verre de liquide contenant
une solution d’un médicament soporifique dont la dose mortelle était à établir.
Ces médicaments avaient été envoyés par les usines Bayer au camp d’Auschwitz,
aux fins d’expériences. Deux ce ces cobayes absorbèrent, mélangé au poison, un
vomitif. Les quatre cobayes furent ensuite placés au block 19, le médecin
devait suivre l’effet du médicament. Deux d’entre eux vomirent et survécurent
avec un sommeil profond de onze heures. Les deux autres sont morts le soir
même.
Les deux survivants furent repris le jour
suivant pour une seconde expérience, avec deux nouveaux cobayes (en
remplacement des deux autres, lors de la première expérience). On leur donné à
boire une nouvelle solution ; deux vomirent et les deux autres moururent.
A ce moment, on travaillait techniquement à
la préparation des V 3 et on devait expérimenter sur des hommes la force du
poison que devait contenir la matière de la nouvelle arme. Aussi, appela-t-on
un jour 6 kapos au block 46, on leur égratigna le bras comme pour une
vaccination au moyen d’une pointe imprégnée de poison, puis ils furent
transportés en auto dans la salle des cadavres du crématoire et nous reçûmes tous
l’ordre, aussi bien au crématoire qu’à la section de dissection, de quitter nos
postes immédiatement pour trois heures. Après 3 heures, nous pûmes revenir,
mais nous entendîmes des cris affreux et on nous renvoya. Ce n’est qu’après 3
heures que nous pûmes revenir ; l’expérience de la nouvelle arme avait
donc échoué, l’action n’étant pas assez rapide. On aurait eu le temps de donner
du contrepoison.
Au block 28, dans la chambre 15, étaient
réunis 30 prisonniers divisés en 3 groupes de 8 à 12.
Le premier groupe de ces cobayes reçut des
injections de pétrole sous la peau des deux jambes. L’injection était de 2 à 3
cm3 de pètrole,
sous-cutanée et très profonde. Au bout de 8
jours, un phlegmon non purulent se déclarait, on l’incisait, on recueillait le
pus dans les tubes stérilisés, hermétiquement fermés, qui étaient envoyés à
l’Institut de Breslau.
Le second groupe de 10
hommes a subi d’autres expériences qui consistaient à exciter la peau à l’aide
de substances chimiques diverses. On appliquait à certain d’entre eux une
solution à 80% d’acétate d’alumine (solution de Barow). Les applications
étaient faites chaque jour tantôt sur l’épaule, tantôt sur les jambes, toujours
au même endroit pendant une semaine. Après cette période, apparaissait une
grosse irritation de la peau qui allait jusqu’à l’ulcération profonde dans
certains cas. On excisait cette irritation en deux couches (l’une
superficielle, l’autre profonde), que l’on mettait dans des tubes stérilisés,
lesquels étaient envoyés également à Breslau pour étude histopathologique. A
noter que ces ulcères guérissaient difficilement. Chez un détenu juif hongrois
la guérison est survenue seulement après 7 mois.
A d’autres encore, on
appliquait une poudre noire sur la face externe de l’épaule.
Le troisième groupe
reçut à l’entrée de la salle n°13 un petit déjeuner consistant en 250 grammes
de pain blanc et un thé léger. A une heure fixée, le nommé K… les convoquait
tous dans une chambre spéciale où ils étaient obligés en sa présence d’absorber
15 à 20 pilules d’acrichine. On les renvoyait à la chambre 13 ; chacun recevait un bocal dans lequel il
devait uriner. Chaque jour, on prélevait les urines et on les envoyait par
courrier spécial à Breslau. Le troisième jour tous les détenus qui avaient
absorbé de l’acrichine étaient atteints d’ictère. Ces prélèvements d’urine ont
duré 3 semaines avec analyses quotidiennes. Ces expériences durèrent du 22 août
au 25 octobre 1944.
Le block 10 contenait
350 à 400 femmes cobayes pour les expériences surveillées par le professeur G….
de la Faculté de Médecine de Breslau.
Ces femmes furent
divisées en plusieurs groupes, chaque groupe subissait une méthode différente
d’expérience.
Sur un petit nombre de
femmes, les Allemands auraient pratiqué la fécondation artificielle ;
l’enquête faite au camp et les recherches des victimes n’ont pas donné de
résultat. Je crois que les femmes ayant subi cette expérience ne veulent pas
faire connaître leur mésaventure.
Un autre groupe
recevait des injections contenant des hormones sexuelles. Les ampoules
médicamenteuses étaient fournies par le même professeur qui les apportait dans
sa serviette ; les injections furent pratiquées sous sa surveillance.
Il nous a été
impossible de connaître la nature de la substance injectée et les résultats
obtenus, ces résultats ayant été tenus secrets.
A la suite de ces
injections, plusieurs femmes présentèrent des abcès qui furent incisés au block
10.
Un troisième groupe de
15 à 20 femmes a subi des interventions chirurgicales sur les organes génitaux,
pratiquées au block 10, telles que : excision du col de la matrice,
inoculation dans le col de la matrice d’un liquide cancéreux sur des femmes
atteintes de cancer du col de la matrice. Ce liquide était passé par une bougie
filtre de Chamberland pour l’élimination des cellules cancéreuses. Ceci dans le
but de vérifier la théorie de l’inoculation du cancer par un virus filtrant
supposé dans les tissus cancéreux.
Une jeune femme de 25
ans, arrêtée au camp d’Auschwitz après le départ des Allemands, et soignée au
block 10, est décédée. L’autopsie pratiquée sur elle a démontré la présence
d’un cancer à la matrice inoculé 6 mois auparavant.
Ce cas a fait l’objet
d’un rapport de la part de la commission d’enquête russe.
En quatrième groupe
reçut de injections dans la cavité de la matrice, d’une substance spéciale,
envoyée par une usine de produits pharmaceutiques. Le but poursuivi était de
trouver une substance autre que le lipodol (qui était très difficile et très
coûteux à fabriquer par suite du manque d’huile), nécessaire à la radiographie
de la cavité intérieure des trompes ovariennes.
Cette substance provoquait de fortes douleurs et
les résultats ne sont pas connus.
Le cinquième groupe de
femmes du block 10 était sous la surveillance du docteur W…, secondé par le
professeur S…, de Cologne. Ce dernier mit au point un appareil
photo-microscopique à couleurs. On photographiait le col de la matrice de
femmes d’âges différents de 35 à 45 ans. Après prise de la photo une excision
d’une région du col de la matrice d’apparence normale était pratiquée et
envoyée aux fins d’étude histopathologique au laboratoire de l’Institut de
Breslau.
J’ai eu connaissance,
par un médecin qui s’occupe d’expertises pour la police d’Etat, de la
découverte à Strasbourg de 54 clichés de préparation histologique trouvés après
le départ des Allemands.
Ces pièces ont été
découvertes de la façon suivante : lorsque les Français sont entrés à
Strasbourg, après le départ des Allemands, ils ont appris qu’il y avait eu une
organisation scientifique à la Faculté de Strasbourg, constamment en liaison
avec le camp de Struthof.
Tous les membres de
cette organisation, du docteur qui la dirigeait jusqu’au garçon de laboratoire,
appartenaient aux formations S.S. On vit, dans une salle, 54 petits morceaux de
verre qu’on voulut d’abord mettre au panier, mais la fille d’un médecin,
présente, a estimé que cela pouvait présenter un intérêt médical. On me les
apporta pour voir ce qu’ils représentaient car on pensa qu’il s’agissait
d’études venant du camp de Struthof. La police avait établi que des navettes
constantes avaient eu lieu entre le camp et les laboratoires. On avait trouvé,
d’autre part, dans une glacière du laboratoire, des cadavres sur lesquels des
prélèvements avaient été faits. Ces victimes avaient été tuées après les
expériences, pour autopsie.
Les 54 préparations
m’ont stupéfait, car il s’agissait de testicules humains et en étudiant les
préparations, j’ai constaté qu’il s’agissait de testicules sur lesquels on
avait fait des expériences en injectant une substance irritante qu’on ne
pouvait déceler.
Les médecins
choisissaient des femmes de préférence dans la période des règles. Ils leur
annonçaient que dans 4 jours elles auraient à mourir. Ils voulaient,
disaient-ils, se rendre compte des effets produits par cette décision sur la
menstruation.
Un professeur
d’histologie de Berlin, avait eu le toupet de publier dans une revue allemande
les observations faites sur les hémorragies provoquées chez les femmes par une
mauvaise nouvelle. Ces expériences étaient faites sur des prisonnières
normalement réglées, auxquelles on annonçait qu’elles allaient être fusillées,
ce qui provoquait une hémorragie interne que ce docteur étudiait.
On pratiquait sur de
nombreux détenus, et malgré leur refus, des prises de sang destinées à la
transfusion sur des soldats allemands. Lorsqu’un détenu s’opposait à cette
prise de sang, le docteur allemand S (ou un infirmier F) se livrait sur le
donneur récalcitrant à des voies de fait à la suite desquelles le malheureux
devait être transporté sur un brancard. Ce procédé était renouvelé jusqu’à ce
que le détenu consentît à laisser prendre son sang.
A Birkenau, les
Allemands réunirent un très grand nombre d’enfants et d’adultes jumeau,
auxquels ils faisaient des prélèvements de sang pour Wasserman, destinés à
déceler les tares héréditaires et pour l’étude des groupes sanguins. Les
Allemands exécutaient sur les détenus un certain nombre d’opérations, par
exemple, ils pratiquaient sans discernement l’opération de Leriche.
Les Allemands ont
pratiqué, au début de l’année 1942, des essais d’injection d’air dans les
veines. Ils voulaient rechercher quelle était la quantité d’air massive pouvant
être injectée dans les veines sans provoquer l’embolie. Je n’ai pas de données
précises sur les résultats de ces expériences.
C’est également dans cette
chambre qu’ont été pratiquées des injections intraveineuses avec une solution
d’eau oxygénée (Péroxyde) à 33% qui provoquait la mort immédiate. Il y eut un
inconvénient, c’est que dans les veines non apparentes l’injection ratait
souvent, et le liquide injecté dans les tissus provoquaient des douleurs
insupportables ainsi qu’une forte réaction de l’expérimenté. Cette méthode fut
trouvée incommode, insuffisante et fut abandonnée.
Essais d’hormones sur
les pédérastes. Dans le camp, se trouvaient des homosexuels condamnés par les
tribunaux allemands et qui portaient le triangle rose. L’expérience consistait
à leur injecter des hormones dans les veines pour leur faire perdre le goût de
la pédérastie.
Les Allemands ont
également recherché une méthode de traitement des maladies psychiques par
l’application d’ondes courtes (électrochoc).
La méthode consistait
à appliquer un pôle sur chaque tempe du malade ou sur le front et la nuque et
on faisait passer un courant électrique.
Le résultat de ces
expériences fut désastreux ; il y eut un très grand nombre de cas mortels
et la recherche de cette méthode fut abandonnée, la mise au point n’étant pas
bonne.
Un jour, arriva au
camp le professeur de l’Université de Strasbourg déjà cité et un officier
d’aviation. Ils réclamèrent 30 internés (jeunes et vigoureux) qu’ils isolèrent dans un block. Une moitié du
block fut fermée et personne ne pouvait
y pénétrer, sauf le professeur, l’officier et moi. On m’a désigné pour soigner
les malades et pour observer le cours de la maladie. Il était défendu aux S.S.
de pénétrer dans le block. Il nous a été défendu de dire ce qui s’y passait.
J’ai vu les choses
suivantes :
L’officier et le
professeur ont mis leur masque à gaz. Ils injectèrent ensuite dans le creux de
la main et sur la face interne de l’avant-bras, environ 10 cc d’un
produite ; dix prisonniers reçurent ensuite 15 gouttes de Vogan, dix
autres 8 gouttes et le reste rien.
Les malades restèrent
pendant une heure les bras étendus, nus et attendaient. Ensuite, on les a mis
au lit. Le premier soir les malades commençaient à crier de douleur. L’endroit
vacciné s’était couvert de brûlures. Bientôt, tout le corps en fut couvert. Ils
avaient tous mal aux yeux et aux poumons. Je fis mon possible pour les
soulager. Je me suis couché à minuit, et le lendemain j’étais obligé de
constater que je voyais à peine. L’officier est venu, non pas pour soigner les
malades, mais pour les photographier. A partir de ce jour, on les
photographiait tous les jours, mais on ne s’occupait pas des malades qui
criaient comme des bêtes. Ils étaient tantôt sans volonté, tantôt comme des
fous. Le premier mourut au bout de 14 jours (le 21/12/1942). Son corps fut
envoyé à Strasbourg. Par la suite, aucun corps ne devait plus quitter le camp.
On faisait les expériences sur place. L’autopsie révéla les résultats
suivants : cerveau réduit, poumons pleins de pus et rongés, le foie avec
le même résultat. Le reste fut à moitié aveugle et malade des poumons.
Ajoutons que cette
expérimentation ne présentait chez l’homme aucun intérêt particulier et qu’elle
aurait pu aussi valablement être faite chez l’animal, en supposant qu’elle eût
un intérêt scientifique quelconque. Le but poursuivi était aussi inhumain que
les moyens employés.
Au lieu de les
expérimenter sur des cobayes, lapins, souris, il était plus simple et plus
suggestif de les expérimenter sur l’homme.
Des personnalités de
la médecine arrivaient périodiquement de Berlin pour renforcer le personnel
s’occupant des expériences médicales.
Les Allemands ont fait
construire, dans un bâtiment spécialement étudié à cet usage, une chambre à gaz
pour expérimenter les gaz asphyxiants sur les sujets humains.
Un réduit avec des
fenêtres, fermé hermétiquement, permettait de voir à l’intérieur de cette
chambre. On y brisa une ampoule de 2 à 5 cc. Les médecins se félicitaient du
bon résultat de leurs expériences.
Ces médecins faisaient
des expériences avec des gaz sur ces malheureux dans une chambre à gaz située
hors du camp. En une seule journée, le 10 août 1943, 86 femmes furent asphyxiées
et leurs corps incinérés immédiatement après.
Il est même établi que
15 femmes furent gazées le 11 août 1943 ; 14 femmes, le 13 août 1943 ;
30 hommes, le 17 août 1943 et 29 hommes, le 19 août 1943. 1 668 femmes
environ, et plus de 10 000 hommes, tel est le nombre des victimes gazées
au camp de Struthof.
Un jour tous les
Tziganes, les bohémiens hongrois, ont été appelés. Ils ont été descendus à la
chambre à gaz pour des expériences. Les Allemands ont d’abord demandé des
volontaires. Personne ne s’est présenté, les Allemands ont envoyé d’office les
Hongrois. La moitié sont morts. Je ne puis donner un chiffre exact de ceux qui
sont rentrés ce même jour dans la chambre à gaz.
Ainsi donc, un
architecte a pu dresser les plans d’un bâtiment destiné à ce crime, des savants
allemands ont pu concevoir cette idée et en ont poursuivi l’exécution, des
Allemands ont observé à travers le hublot construite à cet effet l’agonie des
hommes et des femmes qu’ils ont assassinés de la sorte.
*
* *
Le block 41 était
employé non seulement pour les expériences médicales mais aussi pour les
vivisections.
Dans une des pièces
spécialement aménagées à cet effet, une table d’opération en faïence, coupée de
rainures en plan inclinée, destinées à faciliter l’écoulement du sang, servait
à des opérations de vivisections que trois professeurs allemands, réputés,
exécutaient devant leurs élèves.
Les expériences
portaient chaque fois sur 100 sujets. Les sujets étaient en général des
Polonais juifs. Ils étaient envoyés de Struthof, sur demande du médecin chargé
des expériences, et n’avaient aucun contact avec les détenus.
On a choisi 20 hommes
à deux reprises, dot on a mis les muscles de la jambe à nu, et on leur a
appliqué une substance (X). Après avoir enlevé le pansement, on a pu voir
apparaître une fistule. Un docteur S.S. de Berlin était venu spécialement pour
l’examiner. Ces malades ont été choisis sans discernement parmi un groupe de
malades qui étaient e convalescence après une opération.
J’en connais un qui a
parlé de sa première opération ; la seconde a parfaitement réussi, car il
en est mort…. (il a été certainement supprimé pour l’empêcher de parler).
On a retrouvé dans les
archives un rapport du médecin se plaignant un jour du mauvais état de santé des
sujets qui lui avaient été expédiés, et réclamant 90 nouveaux sujets en bonne
santé pour servir aux expériences projetées.
Au block 17, 200
enfants étaient affectés aux expériences de stérilisation.
Il y avait également
un block qui était spécialement réservé pour les expériences médicales que l’on
faisait sur les femmes qui étaient choisies parmi les mieux en forme. On leur enlevait les
ovaires, etc., sans les endormir, ni les anesthésier.
Les cobayes sont des
Polonaises. Toutes sont des prisonnières politiques. Il y en a qui sont mortes,
d’autres ont été fusillées. Il en restait 60 environ.
Ailleurs des
expériences eurent lieu à l’infirmerie, sur des Polonaises ; on
choisissait les plus saines pour faire des expériences de greffe osseuse. Ils
prélevaient des greffes dont ils se servaient pour leurs soldats qui étaient
aux armées.
On effectuait des
prélèvements de sang, de l’utérus, de la moelle épinière et on laissait ensuite
mourir les déportés.
Un jour, nous vîmes
revenir de l’hôpital des Polonaises qui portaient aux jambes d’affreuses
cicatrices. Elles avaient subi des expériences de vivisection (greffe d’os et
de muscles) faites par des chirurgiens venus spécialement de Berlin à cet
effet. Chaque jour nous pouvions constater de semblables expériences.
J’ai également fait
une enquête très précise sur ces Polonaises que nous appelions « les
petits lapins » ; ces femmes étaient toutes condamnées à mort, elles
avaient servi à l’expérience pour la gangrène gazeuse pour laquelle les
médecins allemands recherchaient des sérums et on leur fit également des
prélèvements de greffons osseux, les greffons devant servir à la recherche
spéciale pour les soldats du front. Je tiens de ces personnes elles-mêmes que
j’ai vues et sur qui j’ai pu constater les dégâts terribles au point de vue
musculaire, que l’opération s’est fait dans les conditions suivantes :
elles étaient amenées brutalement au Bunker (prison) , attachées à la table
d’opération, et on ne leur a même pas enlevé la chaussure de la jambe opérée.
J’ai vu des femmes
ayant servi de cobaye aux Allemands pour leurs expériences. Certaines ont eu la
moelle épinière enlevée, d’autres la moelle des os et des jambes, d’autres
l’appareil génital.
L’année dernière,
quand les derniers cobayes ont été appelés pour se rendre à l’opération et
qu’elles ont refusé d’y aller, on les a emmenés au Bunker et opérées sur place.
On leur a donné un anesthésique mais on ne les a pas lavées et on les a
emmenées à la table d’opérations habillées de leurs uniformes sales. Après l’opération,
elles sont restées là des semaines, soignées par l’une d’entre elles qui
n’était pas infirmière et n’avait sans doute aucune expérience des soins à
donner, bien que, naturellement elle fît tout ce qu’elle pouvait pour elles et
du mieux qu’elle le pouvait.
Un jour, 50 belles
femmes polonaises furent choisies pour des essais de chirurgie nerveuse. Je les
ai vues revenir de ces tortures avec le triceps crural enlevé. Beaucoup sont
mortes de ce traitement. Les médecins pratiquèrent également des prélèvements
aux seins.
Après avoir fait sur
chacune plusieurs expériences, on les envoyait directement au gaz.
De manière qu’aucune
trace ne subsiste de ces agissements, tous les corps des victimes étaient
scrupuleusement incinérés.
A suivre -Exécutions diverses-
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