Nous avons retrouvé un livre que m’avait laissé mon père,
intitulait « Camps de concentration ».
Nous pensons qu’il est bon de le partager mais vu son
état nous ne pouvons pas le scanner (photo ci-dessous)
De ce fait nous taperons le dit livre et vous livrerons
les témoignages et les écrits très forts de ce document et vous livrons le
premier jet ce jour.
Documents pour servir à l’histoire de
la guerre : Camps de concentration du 15/11/1945
–Offre Français d’Edition-
PREFACE
Camps
de Concentration est le quatrième volume de la collection « Documents pour servir à l’histoire de la guerre ».
Un
sujet aussi vaste et aussi important (car c’est le domaine où la barbarie nazie
s’est exercée avec le plus de méthode et avec cette insouciance que donne
l’assurance de l’impunité) a déjà été traité dans bien des rapports, a fait
l’objet de nombreux et intéressants témoignages et d’émouvants récits. Mais il
est évident qu’aucune conclusion positive ne pouvait être tirée de ces
documents, dont chacun traitait soit d’un camp soit même souvent de la portion
de camp, où se limitaient les horizons de l’auteur de la déposition.
Pour
eux les noms d’Auschwitz, de Buchenwald, de Dachau, de Mauthausen, d’Ellrich,
de Bergen-Belsen, de Ravensbrück, de Neuhengamme, de Struthoff, de Maidanek ou
de Sachsenhausen sont devenus tristement célèbres, mais cette célébrité dans
l’horrible contribue à donner une idée imparfaite de la réalité.
En
effet, pour un camp de première importance comme Auschwitz où périrent huit
millions d’hommes, combien d’autres camps demeurent méconnus où pourtant,
quoique à une échelle restreinte, la torture et la mort ont également fait leur
œuvre.
J’ai
pensé qu’il fallait faire connaître à l’opinion publique mondiale que
l’Allemagne nationale-socialiste dans son ensemble (à quoi il faut ajouter les
territoires sur lesquels le IIIème Reich avait mis sa griffe) n’était qu’un
immense camp de concentration et que par conséquent si l’on voulait faire autre
chose qu’un récit de plus, il fallait établir un document de synthèse. C’est ce
travail que nous avons essayé de réaliser et, bien qu’il soit certainement
incomplet sur bien des points, j’espère que nous ne sommes cependant pas
arrivés trop loin du but.
Ce
travail concernant l’entité « camps » ne doit pas faire mention de
certains en particulier et c’est pourquoi aucun d’entre eux n’est cité dans le
texte, sauf dans les rares cas où cela fut vraiment indispensable. Le même
critère nous a dirigé lorsqu’il s’est agi de noms de bourreaux ou de victimes.
En
effet, chaque témoignage n’est qu’une fraction d’un « crime unique »
dont nous voulons reconstituer ici l’exécution.
Nous
avons donc pris cent témoignages et dépositions et vingt-cinq rapports qui
forment le dossier de cet ouvrage. Ces documents réunis, il ne pouvait être
question de les publier in extenso l’un à la suite de l’autre : tous se
seraient répétés et les points
importants et originaux de chacun d’eux auraient été noyés.
Nous
avons ensuite extrait de chaque déposition, de chaque témoignage, de chaque
rapport, tous les passages qui permettaient de réaliser à partir d’éléments de
preuves nettement définis, une synthèse anonyme mais juridiquement et
scientifiquement exacte.
L’ouvrage
présente ainsi une série de chapitres et de sous-chapitres traitant de chaque
aspect, de chaque question, depuis le départ pour le camp jusqu’au four
crématoire.
Tous
ces chapitres ou sous-chapitres sont composés d’une suite de paragraphes qui
sont autant de citations (chacune d’elles porte un numéro renvoyant au
dossier).
Ces
citations ayant une valeur de documents, nous ne nous sommes pas reconnu le
droit de les transformer d’aucune
façon ; nous n’avons pas non plus ajouté de texte de liaison entre les
citations, ce qui aurait chargé l’ouvrage sans ajouter rien à sa valeur
documentaire. Si par conséquent, certains passages vous paraissent peu clairs
et le style de quelques paragraphes un peu confus, nous nous en excusons à
l’avance.
D’autre
part, vous vous apercevrez que l’on passe parfois du masculin au féminin à
l’’intérieur même d’un chapitre. Chaque fois que cela nous a été possible, nous
avons traité séparément des hommes et des femmes, mais là où la différence de
sexe ne le justifiait pas, les textes ont été
mêlés.
Ainsi
réalisé, cet ouvrage, non seulement par le déroulement de tous les aspects du
calvaire des déportés dans les camps, mais aussi par l’exposé d la façon dont a
été conçue et réalisée cette entreprise d’extermination des peuples, montre
clairement qu’au-delà des forfaits individuels, il y a crime collectif et
qu’au-dessus des exécutions, le véritable coupable est la doctrine qui a permis
la justification préalable de ces horreurs et en a méthodiquement envisagé
l’exécution. Il montre que l’importance qu’attachent les hommes de bonne
volonté au problème des crimes de guerre et l’anxiété avec laquelle ils
attendent la solution pratique qui lui sera donnée, ne sont pas
injustifiées : de l’un comme de l’autre dépendent en effet l’organisation
internationale de demain et la paix du monde.
Il n’a pas encore été donné
de définition juridique précise du « crime contre la personne
humaine ». c’est par suite d’une parfaite identité de vues sur ce qu’il
définit très bien comme un crime international de droit commun :
« atteinte à titre racial, national, religieux ou politique, à la liberté,
aux droits ou à la vie d’une personne ou d’un groupe de personnes innocentes
d’une infraction, dépassant la peine prévue », que la réalisation de cet
ouvrage a été confiée à M. Eugène ARONEANU. Je le remercie ici d’avoir mené à
bien se considérable travail.
Jacques BILLIET
Directeur du Service d’Information
Des Crimes de Guerre
DEPART
« Le
convoi comprend environ 1 000 à 1 200 personnes, hommes, femmes, enfants, vieillards, de
toutes les classes de la Société et de toutes les nationalités.
On
voyait emmener les femmes accouchées depuis quelques jours avec leurs enfants,
des vieillards informes que l’on transportait sur des brancards, des grands
mutilés, des enfants en bas âge. Celui des S.S. qui était chargé de ramener
des enfants de la pouponnière de
Neuilly, est rentré en disant qu’il n’avait pas eu le courage de ramener des
poupons. A ce moment le Haupt-sturmfüher a fait partir un autre autobus qui est
revenu avec les enfants ; 350 ont été ainsi déportés. Malgré les
bouteilles thermos, le lait condensé et les bouteillons d’eau qui leur étaient
remis au départ, la plupart des enfants sont morts en cours de route.
Les
S.S. nous déshabillent et nous mettent tout nus, 140 personnes par wagon de
marchandises ; les célèbres wagons : 40 hommes - 8 chevaux. C’était
un enfer.
Tout
fut fermé hermétiquement.
Nous
ne pouvions ni nous asseoir ni nous accroupir. En ce qui me concerne j’ai passé
la nuit sur un pied, ne pouvant poser le second par terre.
Au
milieu du wagon, une tinette pour faire nos besoins qui a été pleine au bout de
quelques heures et qui débordait et répandait une odeur épouvantable. Ensuite,
les gens faisaient leurs besoins à même le wagon, et nous avons dû effectuer le
voyage dans une odeur pestilentielle.
Pendant
le parcours, de nombreuses tentatives d’évasion eurent lieu …. Ces évasions
extrêmement dangereuses ne pouvaient avoir lieu dans tous les wagons. Nous
n’avons pu le faire car le nôtre était placé à côté de celui des S.S. et se
trouvait sous leur surveillance constante. Les évasions ont eu lieu surtout la
deuxième nuit lorsque nous étions encore en France. Les uns ont pu ouvrir leur
wagon, les autres ont pu forcer les lucarnes dont ils ont cassé les barreaux.
Lorsque les S.S. s’apercevaient d’une évasion, le train stoppait, la chasse
commençait, à l’aide de projecteurs placés sur des tourelles et des
mitrailleuses posées à l’avant et à l’arrière du train. Les S.S. se
précipitaient des wagons à la recherche de ceux qui se sauvaient et tiraient
sur eux. Le dernier wagon du train, resté vide, était destiné à recevoir les
cadavres. Il recevait non seulement les tués, mais encore les blessés qui
étaient mélangés pêle-mêle avec les morts. J’ai revu ce wagon à Buchenwald,
d’où s’échappaient des râles et des plaintes des blessés. J’ai su d’une façon
absolument certaine que tous ceux-ci ont été achevés et envoyés au crématoire
avec les morts.
Toutes
les tentatives d’évasion furent férocement réprimées.
Dans
les wagons où les évasions avaient eu lieu les détenus ont été mis entièrement
nus, un certain nombre, pris comme otages, étant fusillés sur-le-champ.
J’ai
vu l’exécution devant un wagon dans un trou de bombe.
Quelques
jeunes gens furent choisis à la hâte …. Nous vîmes arriver les cinq jeunes qui
avaient été choisis tout d’abord, chacun était accompagné d’une gendarme
allemand portant un pistolet. Au moment où ils parvinrent dans la tranchée,
chaque gendarme s’empara d’un détenu, le plaqua contre la paroi de la tranchée
et lui tira un coup de pistolet dans la nuque.
Quelques
camarades recouvrirent les corps, avant de partir, de quelques pelletées de
terre.
Le
voyage a duré huit à dix jours, pendant lesquels nous avons eu deux fois de la
soupe et deux fois du pain.
Pour
faire le trajet de Cherbourg à Hazebrouck, le convoi a mis neuf nuits et dix
jours.
Nous
étions tous torturés par la soif, j’ai vu certains de mes camarades en arriver
à boire leur urine, d’autres lécher la sueur sur le dos des autres déportés,
d’autres encore récupérer la condensation sur la paroi des wagons.
En
gare de Brême, l’eau nous a été refusée par la Croix-Rouge allemande qui a
déclaré qu’il n’y avait pas d’eau pour nous.
Nous
étions morts de soif. A Breslau, les détenus ont à nouveau supplié les
infirmières de la Croix-Rouge allemande de nous donner un peu d’eau. Elles sont
restées insensibles à nos supplications.
Pas
d’eau, une chaleur torride, pas d’air (les volets étant fermés).
A
chaque arrêt ce ne furent que des voix suppliantes, partant des wagons,
demandant de l’air. Un officier allemand répondait chaque fois
invariablement « vous n’avez que ce
que vous méritez ».
Lors
des haltes, ceux qui se hasardaient à ouvrir une fenêtre et à demander du
secours à la police allemande, qui accompagnait le convoi, recevaient un coup
de revolver ou une rafale de mitraillette, puis étaient achevés.
Deux
camarades sont morts étouffés. Personnellement, jusqu’au matin je m’occupai à
donner des soins à mon ami qui souffrait d’une crise cardiaque.
Vers
dix-sept heures on comptait une centaine de cas d’asphyxie, puis le nombre alla
augmentant de minute en minute.
Dans
chaque wagon on a observé des cas de folie caractérisée. Certains détenus ont
dû même tuer d’autres détenus devenus fous et dangereux.
Dans
un certain wagon, il y eut des scènes horribles, au cours desquelles, dans des
cas de folie collective, les détenus s’entretuèrent avec une cruauté inouïe.
J’ai
vu de mes propres yeux un convoi de détenus qui étaient tous devenus fous.
Dans
un des wagons, 64 déportés arrivèrent morts, asphyxiés.
Il
y avait, dans mon wagon, 82 cadavres sur les 126 personnes au départ. Inutile
de vous dire que dans les autres wagons, c’était à peu près pareil.
A
l’arrivée au camp, on comptait 896 morts.
Sur
les 1 200 Français, 500 à peine sont arrivés.
Mon
convoi, composé de 2 500 détenus au départ, avait perdu en cours de route,
dans des conditions atroces jusqu’alors jamais vécues, 912 détenus.
A suivre ARRIVEE
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