lundi 29 avril 2013

Camps de concentration (suite)





VOLS

Des Juifs hollandais et français nous dirent qu’ils avaient été informés par les Allemands qu’ils quittaient leur pays pour être transférés en Pologne où chacun serait capable de continuer à travailler à son propre métier ou, mieux encore, on leur promettait que pour chaque magasin, établissement ou usine saisis par les Allemands, un moyen de vivre équivalent serait mis à leur disposition.

Ils devaient prendre avec eux toute leur fortune et de l’argent liquide pour au moins six semaines. Il en résulta qu’une quantité considérable d’argent et de valeurs arriva au camp.

Nous avons été dépouillés de notre argent et de tous nos bijoux.

Les S.S. et la Gestapo dirigent toutes les opérations.

Pendant ces diverses opérations, j’observe l’attitude de nos gardiens ; ils rapinent déjà pour leur propre compte et leurs poches s’emplissent d’objets de valeur et d’argent.

Poussés par l’esprit de rapine et de vol, on vit à plusieurs reprises, lors de visites, des personnages importants du Parti, des officiers supérieurs et subalternes, se remplir les poches de bijoux, de brillants, de valeurs et de monnaies étrangères.

Je n’ai pu me résoudre à leur remettre mon alliance et je l’ai avalée au cours de ma captivité. J’ai renouvelé deux fois l’opération.

Au cours du trajet, un jeune S.S. âgé de 20 ans environ s’approcha de moi et me dit en français : « Donne-moi ton alliance ». Je n’ai pas répondu. Il me frappa brutalement et je fus frappé ainsi durant 5 kilomètres à coups de crosse et de fusil sur les reins et les épaules. Après ces 5 kilomètres, je suis tombé en syncope. Il m’a roulé à coups de pieds dans le fossé et lorsque je suis revenu à moi, avec sa lame de couteau, il essayait de faire glisser mon alliance qu’il put finalement avoir en crachant sur mon doigt et me l’arrache. Il me redressa à coups de crosse et me remit dans les rangs.

On inscrivait soigneusement sur un registre le nombre des dents aurifiées de chaque détenu.

Ils arrachaient les dents des prisonniers à la recherche de diamants qu’ils disaient pouvoir être cachés dans les dents cariées. Ils arrachaient aussi les couronnes qui n’avaient pas été mentionnées dans le nomenclature.

Avec une tenaille, on m’arracha toutes mes dents en or.

Je tiens à signaler que les Allemands nous faisaient écrire à nos familles sur du papier qui portait une mention imprimée indiquant « l’existence d’une cantine et l’autorisation qui nous était accordée de recevoir des mandats pour faire des achats à cette cantine », qui naturellement n’existait pas.

Ils ne m’ont jamais rendu l’argent qu’ils ont pris dans mon portefeuille ils ne m’ont jamais donné les sommes que ma femme m’envoyait, soit 25 marks par mois pendant quatre mois.

J’ai appris à mon retour à Paris, que les hommes de la Gestapo qui m’ont arrêté chez moi, le 15 août 1942, avaient pris dans mon bureau une somme de 225 000 francs en billets, qui s’y trouvait déposée. Ils m’ont pris également dans une armoire 180 000 francs de bons du trésor appartenant à Melle P.

Pour certaines besognes, les bourreaux du camp utilisent les détenus, la plupart volontaires, par exemple ce jeune Luxembourgeois qui était spécialement chargé de rechercher les bijoux dans le vagin des femmes mortes.

Le « Canada » est le nom donné à l’organisme du camp dans lequel sont employés 1 200 hommes et 2 000 femmes ; c’est l’endroit où est stocké, trié, emballé et expédié sur l’Allemagne, le matériel de toutes sortes provenant des transports : effets de toutes natures, alimentation, produits pharmaceutiques et de parfumerie, bijoux, peintures, lingerie, vêtements, tabac, cigarettes, literie, poils et cheveux récupérés à la tonte. Dans ce kommando, les Allemands ont formé une équipe de spécialistes de rechercher parmi les vêtements et dans la literie, les brillants et autres valeurs que les intéressés peuvent avoir perdu.

Toutes les affaires volées aux détenus étaient soigneusement triées et dirigées sur l’Allemagne.

Dans l’immense dépôt de chaussures découvert au camp n°6, on a trouvé des chaussures portant la marque de fabrique de Paris, Vienne, Bruxelles, Varsovie, Trieste, Prague, Riga, Anvers, Amsterdam, Kiev, Cracovie, Lublin, Lvov et autres villes ; chaussures de différents modèles et pointures, pour hommes, femmes, adolescentes, enfants d’âge préscolaire, bottes de soldats, bottines, bottes de paysans. en outre, on a découvert au dépôt un grand nombre de pièces de cordonnerie (semelles, semelles inférieures, talons) triées, rangées en piles et préparées pour être expédiées en Allemagne.

La commission a établi que dans ce seul camp de destruction l y avait plus de 820 000 paires appartenant à des enfants, à des hommes et à des femmes martyrisés et morts.

Dans le dépôt immense de la Gestapo, rue Chopin, à Lublin, la commission a trouvé des stocks de linge d’hommes, de femmes et d’enfants, ainsi que toutes sortes d’objets d’usage personnel Par exemple plusieurs rayons avec des pelotes de laine à tricoter, des milliers de lunettes, des dizaines de milliers de paires de chaussures pour hommes, dames et enfants, des dizaines de milliers de cravate portant la marque des différents villes –Paris, Prague, Vienne, Berlin Amsterdam, Bruxelles- des dizaines de milliers de ceintures pour femmes, dont une partie avait été triée et préparée pour être expédiée. Des peignoirs de bains, pyjamas, pantoufles, quantité de jouets, de tétines, de blaireaux à raser, ciseaux, couteaux et un grand nombre d’autres objets d’usage domestique. On y a découvert encore une multitude de valises ayant appartenu à des citoyens soviétiques, polonais, français, tchèques, belges, hollandais, grecs, croates, italiens, norvégiens, danois, ainsi qu’à des Juifs de différents pays.

Le prisonnier de guerre de l’armée allemande, Obersturmührer S.S. Ternes, en sa qualité d’ancien contrôleur des finances du camp, a déclaré : « En ce qui me concerne, je sais que l’argent et les objets de valeur saisis sur les prisonniers ont été acheminés sur Berlin. L’or prélevé sur les prisonniers était envoyé au poids. Tout ce bien, en somme volé, constituait un chapitre de recettes pour l’Etat allemand. On a envoyé à Berlin des quantités d’or et d’objets de valeur. Je suis au courant de tout cela parce que je travaillais au camp comme contrôleur des finances. Je tiens à souligner que quantité d’or et d’objets de valeur n’ont pas été portés sur le registre des recettes parce que volés par les Allemands qui confisquaient tout cela ».





VETEMENTS

Au point de vue vêtements, c’était insuffisant. De temps en temps on passait la visite et les vêtements supplémentaires à la tenue qui avait été donnée étaient supprimés. A ceux des détenus qui avaient pu se procurer par exemple des pull-overs contre les rations de pain de deux ou trois jours, on les leur retirait ainsi que tout ce qui n’était pas règlementaire, jusqu’aux vêtements de papier que certains détenus portaient sur la peau pour se préserver du froid.

On retirait les vêtements supplémentaires même aux vieillards, aux gens fatigués, aux invalides.

Le manteau était également défendu, le veston et la chemise étaient seuls autorisés.

Vous êtes engourdies par le froid matinal et rigoureux en hiver car, en cette saison, pas plus qu’aux autres, il ne vous est permis de porter un vêtement de laine.

Par des tornades de pluie, nous étions trempées et nos robes de bure devenaient des fardeaux que nous avions peine à porter.

Elles pesaient des kilos et les femmes ne pouvaient marcher.

Nous étions obligés de les tordre et de les porter toute la journée ainsi, car nous n’avions pas de feu pour les faire sécher.

Les chaussures en bois dont nous avions été pourvus provoquaient au bout de quelques jours des blessures, celles-ci ne pouvaient être soignées et il s’ensuivait des phlegmons qui entraînaient la mort dans beaucoup de cas.

HABITATION

Cinquante baraques de bois, vingt bâtiments en ciment, aménagés pour seize mille hommes constituent à proprement parler le camp de concentration.

Tous ces bâtiments sont construits selon un modèle standard. Chaque maison a environ trente mètres de long et huit à dix mètres de large. Alors que la hauteur des murs dépasse à peine deux mètres, l’élévation du toit est disproportionnée : 5 mètres environ, de telle sorte que la maison donne l’impression d’une écurie surmontée d’un vaste grenier à foin. Il n’y a pas de plafond intérieur de façon que la pièce atteint au centre une hauteur de 7 mètres ; en d’autres termes, le toit pointu repose directement sur les quatre murs. La pièce est divisée en deux par une séparation courant  dans son milieu sur toute la longueur, et présente une ouverture qui permet de communiquer entre les deux zones ainsi séparées. Le long des murs de côté et aussi le long de la séparation centrale, deux planchers parallèles, divisés à leur tour en petites cellules par des séparations verticales, ont été construits à environ 80 centimètres de distance. Il y a donc trois étages : le rez-de-chaussée et les deux planchers construits dans les murs de côté. Normalement, trois personnes vivent dans chaque cellule. Comme on en peut juger d’après les dimensions indiquées, ces cellules trop étroites pour qu’un homme puisse s’y allonger et leur hauteur ne lui permet pas de rester assis en se tenant droit, à plus forte raison de s’y tenir debout. C’est de cette façon que quelque 400 à 500 personnes se trouvent logées dans une maison du « quartier » comme on l’appelle aussi.

Nous étions 750 dans notre block qui avait 50 mètres de long et 10 mètres de large ; vu l’obliquité des parois, ce block avait 6 mètres de haut sur la ligne médiane et 4 mètres à peu près  sur la ligne latérale. L’effectif était, le 4 avril 1945, de 1 350 hommes. Or, il y avait de la place et peu, pour 936 hommes couchés, si bien que les hommes ne se couchaient guère que deux nuits sur trois. Ceux qui ne se couchaient pas, restaient assis sur les bancs ou debout. Dans certains blocks l’encombrement fut pire et on m’a donné, sans que j’aie pu le vérifier, le nombre de  2 100 personnes qui, certaines nuits, furent entassées dans des blocks de capacité identique.

L’atmosphère était irrespirable.

A notre arrivée, les dortoirs nous ont paru très bien : lits bien alignés et sur chaque paillasse une courte pointe bleue-blanche, c’était presque coquet. Mais hélas ! notre contentement fut de courte durée ; en soulevant la courte pointe nous avons constaté que les paillasses et couvertures grouillaient de vermine. Ma couverture à moi était même pleine de matières.

On couchait sur les matelas remplis de copeaux de bois.

Nous étions 10, 11 et 12 par travées de 4 mètres de large sur 1m.85 de long et 1m.06 de hauteur (ce dernier chiffre approximatif). La tête ce chaque bagnard reposait sur les pieds de son voisin.

On manquait de place pour y dormir sur le dos.

Ceux qui voulaient se retourner la nuit, devaient frapper leurs camarades pour qu’eux-mêmes se changent. Nous couchions en sardines, tête bêche et sur le côté.

Les femmes n’avaient plus leurs règles ; sur 10 cadavres de femmes on a constaté que 9 avaient les ovaires desséchés du fait que les boches ne voulaient pas qu’elles dorment allongées ; elles étaient jusqu’à douze et treize cents.

Les femmes couchaient jusque dans les w.c., et même dehors, parfois par 32° au-dessous de zéro.

Le camp pouvait recevoir à la fois de 25 000 à 40 000 personnes. Il y eut des périodes où l’on y enregistrait jusqu’à 45 000 prisonniers. Les internés de ce camp ne formaient pas un contingent stable.

Le camp renfermait des prisonniers de guerre de l’ancienne armée polonaise, capturés dès 1939, des prisonniers de guerre soviétiques, des citoyens de Pologne, France, Belgique, Italie, Hollande, Tchécoslovaquie, Grèce, Yougoslavie, Danemark, Norvège et d’autres pays.

On comptait, parmi les prisonniers, quantité de femmes, d’enfants et de vieillards. Parfois les détenus formaient des familles entières. On trouvait des enfants de tout âge, y compris des tout-petits.

                                                NOURRITURE       

La nourriture était au-dessous du minimum vital.

Pas assez pour vivre et top pour mourir.

Le matin à 7 heures, distribution de café : de l’eau noire toujours faite avec de la neige fondue, c’est tout.

Les repas sont loin d’être fameux ; feuilles d’ortie, de betteraves, des rutabagas, un peu de patates, un morceau de pain. 250 grammes le soir avec un semblant de marmelade ou un ersatz de fromage blanc, voilà pour la nourriture.

Le pain était composé de 40% de fécule de pommes de terre, 25% de farine de châtaignes, 20 à 25% de farine d’orge et le reste était de la sciure de bois amalgamée.

Les rations de pain étaient extrêmement variables, allant de 150 à 250 grammes, ce qui était énervant, car nous ne savions jamais comment nous devions le manger.

La nourriture était infecte.

Même dans la soupe il y avait des légumes avariés ce qui provoquait de nombreuses dysenteries.

Il était également très courant de mêler à la soupe de l’interné un produit pharmaceutique qui lui donnait la dysenterie et provoquait de grosses pertes de sang. Tout remède était impuissant.

Souvent le manger du soir était froid car il était déjà porté vers 4 heures dans les baraques alors que l’appel durait quelquefois jusqu’à 18 heures et même plus longtemps.

La soupe restait si longtemps dehors qu’elle se transformait en bloc de glace. A ce moment-là seulement elle était servie.

Il était interdit d’avoir un couteau et à un certain moment nous fûmes privés de cuillères. Nous étions alors forcés de laper notre soupe.

Les uns avaient une assiette, les autres une boîte de masque à gaz ou boîte de conserves toute rouillée. Chacun mangeait dans des récipients invraisemblables.

Tous les colis que nous recevions étaient confisqués et l’on ne nous remettait que les emballages vides.


Pendant les quatre mois que j’y suis restée on n’a rien reçu de la Croix-Rouge.

Aucun paquet n’est jamais parvenu aux prisonniers.

J’ai vu arriver des colis de la Croix-Rouge Française avec la mention « pour l’homme de confiance des internés français ». Les S.S. nous ont fait observer qu’il n’y avait pas d’hommes de confiance des internés français et que, par conséquent, ils avaient le droit de disposer des colis comme ils l’entendaient, ce qu’ils firent d’ailleurs.

Tous nos colis nous étaient régulièrement volés. Nous voyions les « oberherrin » mangeant des produits qui venaient de France et nous en devinions la provenance. Dans les poubelles nus retrouvions les boîtes à sardines vides et les empaquetages des petits biscuits rectangulaires fabriqués chez nous.

Les « offizierinen » vendaient sous nos yeux aux ouvriers civils de l’usine des paquets de denrées alimentaires prélevés sur nos rations.

Théoriquement les rations indiqués sont celles que le prisonnier recevait mais pratiquement une bonne partie en était volée avant qu’elle ne fût réellement distribuée.

En outre, on perdait une bonne partie du café, de la soupe ou du casse-croûte car c’est toujours au pas de course que nous recevions notre nourriture. Il faut tenir d’autant plus compte du fait qu’il fallait éviter les divers gardiens qui jalonnaient le chemin et qui nous donnaient toujours des coups de crosse ou de pieds. Pour les jeunes cela allait encore, ils étaient lestes et savaient éviter ces divers écueils sur leur chemin,  mais il y avait des vieux, des estropiés, etc….. qui devaient faire tout comme les autres. C’est sur ces malheureux que s’abattait toute la bestialité de cette horde diabolique.

Pour toucher nos repas nous devions passe en file indienne, sous une grêle de coups de bâton. On nous sert cette eau bouillante si bien que nous ne pouvons porter notre gamelle sans en renverser et, comme nous n’avons pas le droit de marcher, il faut toujours courir, c’est quelques coups de plus sur nos côtes et presque plus rien dans nos gamelles.

La soupe et la tisane étaient perçues dans des récipients d’une contenance de 50 litres. Ces récipients vides, semblables au modèle de marmite norvégienne utilisée dans l’armée française, pesaient environ 30 kilos ; pleins, ils faisaient 50 kilos sans couvercle.

Pour la tisane du matin ou du soir, 7 marmites étaient nécessaires ; pour la soupe il en fallait 14. Ces marmites sont difficilement maniables, deux ou quatre personnes peuvent les porter avec difficulté, d’autant plus qu’il fallait faire attention pour ne pas se brûler, vu que les marmites étaient dépourvues de couvercles – ceci intentionnellement. Ces malheureuses essayaient bien de régler leur pas pour limiter au strict minimum les chocs afin d’éviter les éclaboussures brûlantes de la tisane ou de la soupe mais cela était bien difficile, d’autant que le chemin à parcourir était parfois assez long (pour les baraques éloignées les cuisines étaient distantes de 1km500) et par une route boueuse et glissante, pleine de fondrières ou par endroits on s’enfonçait dans la boue jusqu’aux genoux. C’était un véritable supplice. Lorsqu’elles ralentissaient leur marche, une femme S.S. ou un S.S. rappelait sa présence par quelques coups de gourdin. Résignée, la plupart se raidissaient avec courage mais leur état de santé souvent ne répondait pas à leur désir de vaillance. Alors elles tombaient évanouies soit sous les coups, soit exténuées. Leur chute avait pour conséquence le renversement de la marmite qu’elles portaient. La soupe était répandue, c’était là tout le but recherché par les Allemands. Le contenu n’étant pas remplacé, toute la collectivité en souffrait car il y avait une répartition sur l’ensemble et la ration s’en trouvait diminuée. Comme cet incident se renouvelait souvent, la ration normale, déjà insuffisante, se trouvait réduite et il résultait un affaiblissement plus rapide.

C’était toute une histoire pour obtenir une louche de soupe. Sur le grand nombre qui arrivait, une centaine seulement l’avait. Les autres étaient chassés à coups de pied et de poing.

Pour avoir notre repas, il fallait faire la queue dans la cour, sous la pluie et le froid, et attendre parfois une heure et demie avant d’être servies.

Pour aller chercher notre soupe nous devions exécuter les ordres des sous-officiers qui nous disaient de nous mettre en ligne à 150 mètres du bouteillon et de venir en rampant jusqu’à lui. Lorsque nous arrivions, ils nous commandaient de faire demi-tour et de revenir à cloche-pied, le tout accompagné de coups. Nous ne savions comment nous caser pour manger notre soupe, nous allions dans les couloirs ou les cabinets.

La première fois que je suis allée chercher ma soupe, j’ai dû m’y rendre à quatre pattes étant dans un état de faiblesse extrême.

Lors de la distribution de nourriture, les scènes suivantes se passaient presque journellement : a) si la colonne se tenait trop près du distributeur, le surveillant donnait des coups généralement avec un gros bâton ou une latte sans regarder où il tapait (si la colonne était trop éloignée du distributeur, la même scène se répétait pour le motif inverse) ; b) si, par exemple, un nouvel arrivant avait le malheur de sortir un peu la tête du rang pour regarder comment il devait s’y prendre pour recevoir sa ration, c’était encore un motif pour taper dedans. Généralement le surveillant prenait le fautif par les cheveux, lui cognait la tête contre le mur de la baraque, lui donnait des coups de pieds et le renvoyait sans lui donner à manger.

En raison du surpeuplement, les cuisines insuffisantes, n’arrivaient plus à faire la soupe, nous n’en avions plus qu’une par jour.

Il arrivait souvent que l’on ne donnait rien à manger aux internés pendant des jours et ils ne recevaient alors qu’une faible partie des rations qui leur étaient dues.

Les enfants étaient constamment tiraillés par la faim. Dès que la distribution était faire, ils n’avaient qu’un désir, manger. Or, il leur était interdit de manger pendant le rassemblement de l’appel. Si pour un adulte il est difficile de résister à la tentation de manger lorsque l’on tient un morceau de pain et que l’on a faim, c’est terrible pour un enfant. Une femme S.S. les surveillait et, tous les trois ou quatre jours, ces pauvres petits se faisaient prendre en train de manger. Immédiatement elles étaient sorties du rassemblement, leur nourriture leur était retirée pour la journée et elles étaient tout de suite punies de la façon suivante : elles étaient exposées en ligne, face au soleil, à genoux, une grosse pierre sur la tête, les bras levés avec dans chaque main un brique ou un pavé. Elles restaient dans cette position jusqu’à la fin de l’appel, parfois deux ou trois heures, jusqu’à épuisement.

Nous ne pouvions pas dormir parce que nous avions faim.

Affamées, nous nous jetions sur les épluchures qui traînaient dans la boue, sur des trognons abandonnés qui faisaient nos délices. Pour montrer à quel point nous étions affamées ; un jour on nous avait envoyées défricher un champ de colza, nous avons mangé du colza. Après notre départ, on aurait dit qu’une nuée de sauterelles s’était abattue sur le champ.

Les prisonnières mangeaient l’herbe au fur et à mesure qu’elle poussait.

Notre faiblesse était telle que lorsque nous fûmes enfin délivrés de cet enfer, un grand nombre d’entre nous mourut encore de faim et d’épuisement.

Les chirurgiens américains signalèrent que les corps des adultes ne pesaient que 60 à 80 livres (28 à 36 kilos). Ils avaient, dans la plupart des cas, perdu 50 à 60% de leur poids normal et avait également diminué de grandeur.

Dans tous les cas d’autopsie il a été constaté un état de dégénérescence du muscle cardiaque, dégénérescence jaune du parenchyme hépatique, une disparition des plis de la muqueuse gastrique intestinale.

L’intestin présentait l’épaisseur d’une feuille de papier à cigarette chez les détenus atteints de diarrhée chronique observée et connue au camp sous le nom de « Durchfall » Contrairement à ce qu’on observait dans les autres camps, la dysenterie bacillaire n’a pas fait ses preuves et la conclusion est que la diarrhée « Durchfall » du camp était due à la pauvreté de l’alimentation en protéines (matières albumineuses, œufs, viande, etc.).

Les effets de ce régime étaient scientifiquement contrôlés. A chaque arrivage on pesait es détenus pour établir le poids moyen de chaque lot de prisonniers. Périodiquement, on les repesait pour constater leur amaigrissement. Les poids moyens du camp, faisaient l’objet d’un compte rendu sur modèles imprimés envoyés périodiquement à l’autorité supérieure.

Les rations données aux prisonniers devaient les amener à la mort par amaigrissement et inanition.

Nous avons pu constater que l’un des camps, très proche du nôtre, était en effet un camp où l’on faisait mourir les gens de cette façon.

Les gens étaient constamment affamés ; on constatait l’épuisement en masse des détenus et la mortalité due à l’inanition. On mangeait la charogne, on dévorait les chats et les chiens. La plupart des internés n’étaient que des squelettes ambulants tendus de peau, ou bien ils étaient exagérément gros par suite de l’enflure et de la tuméfaction causée par la faim.

M.M., professeur au Collège de France, est mort littéralement de faim. Je l’ai vu, étant préposé à la corvée de lavage des gamelles, essayer de récupérer un peu de nourriture en grattant avec ses doigts le bord des gamelles.

Un Français qui habitait près de la place de la République, ayant servi dans la Légion étrangère, père de deux enfants, mutilé, ayant plusieurs blessures sur le corps, est mort de faim.

J’ai vu que les prisonniers de guerre russes, n’étant presque pas nourris, en étaient arrivés à un tel point d’inanition qu’ils enflaient et ne pouvaient même plus parler. Ils mourraient en masse.

Des cas de cannibalisme se sont produits.

La détresse des détenus était telle que certains dépeçaient les cadavres, faisaient cuire les morceaux et les mangeaient …. Je les ai vus de mes yeux. On voyait des cadavres avec un morceau de cuisse, le cœur, les testicules (c’était très recherché) qui manquaient.

A suivre -Hygiène etc.

dimanche 28 avril 2013

JOURS DE SOUVENIRS LE 28/04 : PENSEZ-Y

N'oublions pas que ce fut le 28 avril 1945 que le camp de concentration de DACHAU a été libéré.

Mais qui s'en souvient? 


Qui va avoir une pensée pour toutes les personnes qui ont été déportées et qui ne sont jamais revenues?
Notre association essaie de nourrir ce devoir de mémoire. 


Notre association essaie d'obtenir la reconnaissance du génocide tzigane, et cela depuis 25 ans, mais peu de personne s'en émeut et s'implique.



Véronique LABBE Président association NOTRE ROUTE
(Je ne suis qu'une gitane qui ne souhaite pas que l'histoire tombe dans l'oubli)

samedi 27 avril 2013

Camps de concentration (suite)





ARRIVÉE


Enfin nous arrivons à onze heures du soir par une nuit opaque. Vision d’horreur, vision d’épouvante, heures les plus pénibles de ma captivité. Cris de bêtes sauvages, aboiements sinistres. Qu’était tout cela ? La réception des geôliers escortés de leurs gros chiens loups admirablement dressés pour les seconder dans leur rôle de garde-chiourme. Effrayés, nos jambes se refusent à nous porter, nous ne pouvons plus avancer.

Le wagon a été ouvert brusquement et les S.S. sont montés, ils nous ont vidés à coups de crosse de baïonnette et à coups de bâtons en hurlant et ont lâché les chiens. Ceux qui tombaient et ne pouvaient plus se relever étaient lacérés par ceux-ci. J’avais une grande pèlerine, les chiens s’y sont accrochés, je la leur ai abandonnée.

On ôta des wagons les morts, les mourants et les bagages. Les morts, et par ce mot il faut entendre tous ceux qui étaient incapables de se tenir debout, furent empilés en un tas. Les bagages et les paquets furent rassemblés, les wagons de chemins de fer furent nettoyés afin qu’il ne restât aucune trace de leur horrible contenu.

Les S.S. tuèrent près du train la plupart des enfants. M.A. vit ses deux petits garçons s’affaisser à ses côtés. Des Français ont été abattus sur le quai de débarquement par les S.S. .

J’ai vu un S.S. prendre un gosse par les pieds et le jeter en l’air tandis qu’un autre tirait sur cette cible vivante. Plus loin un S.S. arrache un bébé des bras de sa mère et le déchire en deux en le tenant par une jambe et en maintenant l’autre sous le pied.

Un officier procède au triage ; il fait mettre tout le monde nu et demande le compte du « déchet ». Le « déchet » ce sont les morts. Il y en a 954.

Un transport comprenait 800 cadavres pour 2 500 déportés. Le transport avait fait d’abord 80 kilomètres à pied, puis avait été embarqué sur « trucks » dans lesquels ils avaient voyagé pendant huit jours.

Comme spectacle horrifiant, j’ai vu l’arrivée de transports venant particulièrement de Grosskoyn. Les détenus étaient partis au nombre de 3 000, ils avaient dû faire sans s’arrêter 60 kilomètres à pied, chassés à coups de bâtons sans avoir mangé. Au bout de 60 kilomètres, ils ont été hissés sur des « trucks » à 100 par véhicule, obligés de s’accroupir ; le premier qui se relevait était abattu à coups de feu. Ils ont voyagé ainsi sept jours et sept nuits. Ils sont arrivés avec 700 cadavres et 700 malades, qui, on peut dire, sont morts par la suite. Ils sont descendus du train et là, ceux qui n’ont pas pu marcher jusqu’au camp, ont été abattus.

Les plus grands transports de Français arrivèrent au camp en juin 1944. A ce moment j’ai vu des cadavres que je n’oublierai jamais. La brute nazie empilait dans des wagons 100 à 400 hommes. Je me souvenais de notre convoi où nous étions seulement 50 dans un wagon dans lequel nous ne pouvions plus bouger ni respirer et je me demandais comment des hommes pouvaient arriver vivants dans ces conditions. Ces personnes étaient toute mortes d’asphyxie, le visage complètement noir, les lèvres horriblement dilatées. Il y avait plusieurs camions de cadavres dans cet état, qu’il fut d’ailleurs impossible d’autopsier et qu’il fallut mener au crématoire tout de suite ; ils avaient encore tous leurs vêtements civils et portaient sur eux les photos de leur famille. On était en juillet 1944 et le four crématoire fonctionnait toute la nuit.

On sépare les femmes et les enfants les vieillards des autres déportés et nous n’avons plus eu de nouvelles d’eux. Je crois que ma femme faisait partie de ce tri est passée dans les chambres à gaz avec les autres.

Les prisonniers défilent un par un devant un S.S. qui, d’un geste du doigt, indique la direction qu’ils doivent prendre : à gauche, les hommes compris entre 20 et 45 ans  et les femmes jeunes, donc des gens capables de produire. A droite, tout le reste du convoi : femmes et enfants, vieillards, malades, les inutilisables, les bouches inutiles.

Nous fûmes conduits de la gare au camp à coups de crosse et sous la menace des chiens.

Malgré notre faiblesse nous dûmes faire les 5 kilomètres de la gare au camp à pied.

Les S.S. nous avaient volées au passage de la frontière nos chaussures. Aussi dûmes-nous faire le chemin qui nous séparait de la gare au camp pieds nus dans la neige et la boue.

A grands coups de poing dans le dos, à coups de pied, ces brutes nous somment d’aller rapidement et en silence. Aucun retard, aucune défaillance n’était toléré. Mes camarades déjà fatigués par le poids de leurs bagages sont terrifiés et presque sans vie devant les hurlements de cette double meute, les S.S. et leurs chiens.

La grande majorité des détenus était dans l’impossibilité de marcher. Tous ceux qui ne pouvaient marcher étaient laissés sur le bord de la route et on ne les a plus jamais revus. Je puis préciser cela d’une façon absolument certaine car j’étais employé à l’hôpital. Je n’ais jamais revu aucun de ceux que nous avons abandonné sur la route. Tout porte à croire qu’ils ont été supprimés.

Le trajet, il fallait l’effectuer en courant ; les vieux qui ne pouvaient pas courir tombaient et étaient achevés à coupes de crosse.

Quelques jours après, arrivage de 700 Russes dans le même état que les précédents. Ils sont affamés, on dirait de véritables bêtes. Ils sont gardés par les soldats allemands qui, pour la moindre chose, tirent.

Est arrivé au camp un convoi de Juifs de Budapest qui sont venus à pied dans la neige. N’ayant plus rien à manger depuis plus d’une semaine, n’ayant pas d’eau, ils mangeaient de la neige. A leur arrivée sur la place ils ont été rangés avec défense de s’asseoir et interdiction pour nous autres détenus du camp de les approcher. De temps à autre l’un d’entre eux tombait mort. Derrière cette colonne suivaient les camions de ramassage où s’entassaient plusieurs centaines de morts. On les déchargeait comme on aurait ait de barres de fer.

Des milliers de malheureux, poussés par des S.S. et leurs chiens, étaient morts de fatigue ou abattus comme des animaux sur la route dans la neige.

Avant d’entrer au camp, vérifications de la liste des détenus qui accompagnaient notre convoi : chaque prisonnier était appelé et devait donner son nom. S’il le prononçait à la française et qu’il était inintelligible pour les Allemands, il recevait un coup de matraque. Un  jeune S.S. de 17 ans qui venait de Transylvanie (dont j’ignore le nom) a cassé ainsi deux matraques sur le dos des arrivants.

Devant la porte et dans le couloir étaient postés des jeunes S.S. qui tapaient sur les arrivants soit avec la main, même avec la crosse de leur fusil, soit avec les pieds. Dans une sorte de vestibule étaient postés, visages contre le mur, une vingtaine de prisonniers. Par des vociférations et des coups, on faisait comprendre aux arrivants (Français, Russes, Polonais, Belges, Allemands, etc.) qu’ils avaient à prendre la même attitude que leurs devanciers. Gare à celui qui tournait la tête ou qui bougeait un peu. Les coups pleuvaient sur le malheureux qui, pour la plupart du temps, ne savait pas pourquoi il était battu. De temps à autre quelqu’un criait : « les suivants » (die nachsten).

Comme la plupart ne comprenait pas l’allemand, personne ne bougeait. Ceux qui devaient entrer au bureau étaient alors battus à outrance. Beaucoup tombaient et étaient malmenés à coups de pied. Cela continuait à l’intérieur du bureau … j’étais plus mort que vivant lorsque vint mon tour d’entrer.

Deux géants fouettaient avec des courroies de cuir les détenus au fur et à mesure de leur entrée

Pour ma part j’ai eu trois dents arrachées et la lèvre ouverte par un sous-officier S.S. dont je ne connais pas le nom.

Au camp même nous commençâmes à être frappés dès l’arrivée.

Le nombre des geôlières augmente ; les mauvais traitements vont de pair. C’est à celle qui frappera le plus fort, bousculera le plus sauvagement.

Il faisait presque nuit. Nous devons marcher en colonne par trois et au pas pour faire les 100 mètres qui nous séparaient de notre baraque. Nous étions entourés par les S.S. Lorsqu’il y avait quelqu’un qui ne marchait pas au pas ou qui sortait un peu du rang, ou qui tournait la tête, il était battu soit avec la crosse du fusil, soit à coups de pieds. Arrivés devant notre baraque, on nous dit de rentrer dans la cellule n°4. C’est encore à grands coups qu’on nous fit trouver notre cellule qui ne portait pas de numéro.

Les jeunes filles flagellées. Elles reçurent 30 coups de cravache sur les fesses nues. L’opération se fit en présence du chef du camp, d’un médecin et de la gardienne chef.

Dès l’arrivée au camp, immatriculation par tatouage sur l’avant-bras gauche.

On me marqua un chiffre au fer rouge.

Nous perdions toute personnalité, nous devenions un numéro.

Les enfants et les nourrissons eux-mêmes étaient tatoués.

En arrivant au camp, les Russes ont trouvé un nourrisson de deux semaines portant un numéro matricule.

Pour la désinfection, c’était  le déshabillage complet. On visitait les oreilles et toutes les parties du corps pour voir s’il n’y avait pas quelque chose caché. On passait dans une première chambre : épilation complète au rasoir électrique et à la tondeuse.

Aucune partie velue du corps n’échappait au rasoir.

Vous assistiez impuissante à la disparition totale de votre chevelure sous la tondeuse.

En général, 7 femmes sur 10 tondues, on ne savait pas pourquoi, c’était une moyenne à eux.

Ur les 964 femmes de notre convoi environ 600 ont été tondues. Cela se faisait au hasard, sans aucune discrimination.

Lorsqu’on nous tondait, on nous donnait une explication rassurante : les textiles animaux sont plus chauds que les textiles végétaux, alors rassurez-vous, rien n’est perdu, l’industrie allemande récupère tout ; avec vos cheveux nous ferons des couvertures, des vêtements de S.S., etc. En effet, alors que nous n’avions rien à nous mettre, les chiens S.S. portaient des manteaux (avec l’inscription S.S.) qui étaient souvent faits avec nos chevelures.

On nous faisait ensuite passer dans une seconde chambre qui était la douche, on nous plongeait dans une immense baignoire remplie d’une solution à base de phénol. Les gens trop fatigués mourraient à la sortie de cette baignoire car l’opération était très pénible ; d’autres tombaient en syncope et ne se relevaient plus.

Au moment du passage à la baignoire, j’ai vu un vieux Français qui avait été sorti du wagon par ses camarades, traîné ensuite au déshabillage et à la tondeuse puis à la douche. Là, deux brutes lui ont donné des coups de poing. Puis, pris par les épaules et par les pieds, il fut balancé dans la baignoire où il est mort. Il fut ensuite jeté dans un coin.

Brutalement, elles nous poussent vers une grande salle destinée aux douches. Là nous passons par cinq et chacune à notre tour nous sommes fouillées très profondément. Je dis bien « profondément » car c’est jusqu’aux profondeurs du vagin qu’on nous visite Les femmes S.S. pratiquent le toucher vaginal de l’une à l’autre sans se laver les main, même sur les toutes jeunes filles, en présence des S.S. hommes et les chiens qui bondissent sur les prisonnières nues quand elles bougent.

Les Allemand faisaient des fiches  pour chacune de nous et ils inscrivaient des maladies qui n’existaient pas. Moi, par exemple je figure comme pulmonaire et cardiaque alors qu’aujourd’hui, après tant de souffrances : typhus, double pneumonie, etc. les examens récents que je viens de faire révèlent que mes poumons sont en parfaite santé alors qu’au cœur je n’ai qu’une faiblesse due au régime subi les 4 années ½ de détention dont deux ans en Allemagne. Les Allemands procédaient ainsi afin de pouvoir justifier un jour d’une mort survenue naturellement.

On nous dépouille de nos vêtements et de tous objets personnels. Rien ne doit rappeler notre chez nous.

Puis nous fûmes habillés avec des haillons (occasion naturellement de nous voler nos vêtements) et, enfin chaussés de claquettes, soit d’une des choses les plus infernales du camp. Ces claquettes composées d’une semelle de bois de buis (puis ensuite en bois de hêtre) et d’une simple bande à l’extrémité du pied pour les maintenir, obligeaient ceux qui les portaient à lever les pieds assez hauts à chaque pas.

Très souvent, lorsque les convois arrivaient, le camp était surpeuplé. Il n’y avait donc pas de place pour recevoir les nouveaux arrivants. Les détenus devaient attendre deux ou trois jours leur admission dans les blocks. Ils restaient dehors sans nourriture car ils ne faisaient pas partie de l’effectif du camp tans qu’ils n’étaient pas affectés dans les blocks. Le résultat d’une telle attente était la maladie (pneumonie, bronchite, etc.) d’un grand nombre de détenus.

Nous avions été parqués dans une tente à mille deux cents, et un soir j’ai voulu avec un de mes camarades, M.P.S. de Paris, en mesurer la superficie : nous avons trouvé que cette tente avait 25 mètres carrés. Nous devions naturellement nous tenir plus ou moins debout, et finissions par tomber les uns sur les autres.

Nous sommes restés une dizaine de jours à coucher sur la terre mouillée sans couverture, sans paille et, évidemment, sans feu. En novembre 1939 après la campagne de Pologne, environ 2 000 P.G. polonais sont arrivés au camp. Sous prétexte d’épouillage, ils ont été déshabillés complétement par un froid rigoureux (12° en dessous de zéro) et parqués dans un petit rectangle entouré de barbelés ; leurs effets furent incinérés. Ils recevaient pour toute nourriture 1/10ème de boule de pain par jour. Au bout de trois semaines, il n’en restait plus qu’une dizaine. Tous les autres sont morts de froids et de privations.

A suivre