mardi 18 juin 2013

Appel 18 juin : déjà 73 ans


Un appel décisif grandement écouté et appliqué en mettant devant leurs responsabilités militaires à tous niveaux, population française et immigrée (M.O.I) Groupe Manouchian entres autres.

Cela devrait permettre aujourd'hui de concourir à la reconnaissance du génocide tzigane.


Nous nous rendons en fin de soirée à la Cérémonie Officielle Commémorative de ce 73ème anniversaire
  

samedi 15 juin 2013

WESTERN (04/05/1990)



Le 24 et 25 mai de chaque année
Chaque année bien qu’il continuât de connaître un succès incessant Ricardo BALIARDO (Manitas de Plata) revenait les 24 et 25 mai aux Saintes-Maries-de-la-Mer. Ces deux dates sont importantes pour les gitans d’Europe Centrale, ce sont les jours du culte en commun à Sara la noire (la kâli). L’église des Saintes Maries ville où le Rhône se jette dans la mer méditerranée, est devenue notre lieu de pèlerinage. Les légendes autour de l’arrivée de Sara la kâli sont variées et restent l’objet de nombreux débat ! Il semblerait que les ossements de Sara aient été découvert au XVe siècle près du lieu de débarquement des trois rois mages et qu’ils aient été déposés dans une crypte de l’église des Saintes-Maries-de-la-Mer.
Depuis cette époque le pèlerinage des gitans en Provence se fait chaque année le 24 et 25 mai.
Toutefois les gitans ne reçurent la bénédiction de l’église qu’en 1912 (tout autant que Sara la Kâli n’est à ce jour toujours pas canonisée) ce fut alors la première fois que les gens d’église de la région nous autorisèrent à pénétrer dans la crypte. Et depuis 1935 les prêtres et évêques catholiques accompagnent la procession jusqu’à la mer dans laquelle la statue de Sara est baignée de manière symbolique. De retour à la crypte les femmes touchent et embrassent la statue de gypse érigée au XVIIIe siècle. Des vêtements sont déposés près d’elle afin qu’elle protège nos communautés durant le voyage de retour. Les membres de nos communautés qui ne peuvent se déplacer le jour du pèlerinage pour causes de maladie se promettent protection et guérison, et demandent pour cela aux membres de leur famille de faire bénir des photos et des vêtements par Sara la kâli.
Durant ces journées ont lieu des mariages et des baptêmes sur des notes festives avec beaucoup de musiques émanant de toutes les représentations de nos communautés.
Il fut un temps les communautés gitanes jouaient sur les terrasses des hôtels restaurants, (Boisset, les Vagues, la Plage, Fournalet, Félibre, table de Jeanne etc.) et devant leurs caravanes. Leurs musiques enchantaient des centaines de touristes, ce qui donnait une note très gaie à cette fête chrétienne. Une tradition qui se perd lentement.
A présent plus de touristes que de gitans et village dans lequel les restaurants et les bars ferment le soir d’autant que l’arrêté de monsieur Chassain Maire des Saintes-Maries-de-la-Mer interdisant la musique le soir n’arrangera pas les choses.
Cette année encore nous avons eu le plaisir de voir le patriarche Manitas de plata (92 ans) mais pas le plaisir d’entendre les sons de sa guitare et nous avons toujours en mémoire, les soirées passées au mas du Clarousset ou chez Henriette  AYSSET  et Jean Louis qui ont accueilli des centaines de musiciens gitans pour des fiestas  qui s’achevaient souvent à plus de 6 heures du matin.
Manitas vu son grand âge à laisser après la mort de José REYES la place aux Gipsy Kings et autres musiciens Gitans qui voyagent à travers le monde avec leur musique au style plus moderne.
                                                                                       Véronique LABBE
                                                                 Références au Magazine WESTERN (04/05/1990)

jeudi 13 juin 2013

Camps de concentration - Libération -





LIBÉRATION

Évacuation du camp.

La chambre à gaz a été démolie de nuit. Les Allemands l’ont fait sauter.

Ils firent également sauter à la dynamite les fours crématoires de façon à dissimuler leurs crimes. Il ne reste que quelques ruines des fours et l’emplacement où les Allemands jetaient les cendres.

On a demandé aux infirmiers de travailler à brûler les documents. J’ai assisté à tout cela, les S.S. derrière le dos.

Le 18 janvier 1945, tout le camp, c’est-à-dire l’administration, les internés, les ouvriers étrangers, etc…. reçurent l’ordre de se préparer à l’évacuation.

Les S.S. sont devenus enragés. Ils descendaient tous ceux qui se trouvaient devant eux dans la cour. Trente d’entre nous qui s’étaient évadés dans la rue ont été recherchés par les S.S., et ont été retrouvés. Les S.S. sont rentrés au camp. Ils les ont mis contre le mur et les ont fusillés tous les 30. Ils ont encore tué environ 160 personnes. Ils sont partis et sont revenus deux heures après. Ils ont encore tiré sur une centaine de prisonniers. Quelques blessés suppliaient qu’on les achève. Les S.S. leur tiraient 3 balles dans la tête. Les S.S. ont jeté une grenade sur l’hôpital à travers les fenêtres. Nous nous sommes couchés par terre et personne n’a été blessé. Le garage a commencé à prendre feu mais nous sommes arrivés à maîtriser ce commencement d’incendie.

Dans l’après-midi, les S.S. ont mis le feu aux baraques où se trouvaient les détenus et ceux qui essayaient de fuir étaient abattus.

Il faut se souvenir que sur 1 200 détenus qui quittèrent Compiègne le 17/8/44, 66% étaient décédés. Un nombre important a trouvé la mort au cours des opérations d’évacuation du camp les 8 et 10 avril 1945.

Les déportés juifs sont partis d’abord, ensuite les voleurs et les criminels de droit commun et finalement les détenus politiques dont un grand nombre de Français.

La mine a été évacuée le 19 janvier 1945 dans l’après-midi et nous sommes partis à pied au nombre de 2 000 dans la neige.

Dès la sortie du camp, l’assassinat a commencé. Les gens qui s’écartaient des lignes extérieures de la colonne étaient immédiatement abattus. Il en était de même des traînards et des malades qui ne pouvaient suivre.

Nous n’étions pas en marche depuis un quart d’heure que nous entendîmes une mitraillette : c’étaient des Juives qui avaient été exécutées.

Nous fîmes 50 kilomètres à pied sans relâche, sans repos. Ensuite, nous nous reposâmes quelques heures.

Cette marche ininterrompue de 50 kilomètres, je ne l’oublierai jamais. On marcha toute la nuit.

Les routes nationales étaient interdites à notre convoi pour faciliter la circulation des convois militaires. Nous avons pis un chemin recouvert de 50 centimètres de neige. La marche était très pénible et nous nous tordions les pieds.

Ceux qui devaient faire un besoin naturel devaient courir en avant de la colonne pour se mettre sur le côté de la route et être habillés de nouveau au moment où arrivait la fin de la colonne sans quoi ils étaient tués immédiatement.

Nous avons marché pendant vingt-quatre heures consécutives. A Peiskreschen, il y avait un hangar qui ne pouvait à peine contenir 1 000 personnes. Les S.S. nous ont fait tous rentrer dedans. On était empilés les uns sur les autres et il fallait rentrer car ils tiraient des coups de mitraillettes sur nous. On s’est mis les uns sur les autres. Beaucoup de ceux qui étaient dessous sont morts étouffés. Il y eut plusieurs centaines de cadavres.

Certains ont marché 8 jours et 8 nuits en plein hiver, au mois de janvier, ayant reçu en tout et pour tout 2 fois du pain sec, 2 rations journalières sans eau à boire.

Nous avons marché durant 52 jours. Nous recevions comme nourriture 3 à 5 pommes de terre. Pendant cette période, nous avons reçu 10 fois ¼ de pain, 10 fois de la soupe et 4 fois de la margarine.

Pas d’eau : interdiction était fait aux habitants de nous donner ou laisser prendre ; nous sucions de la neige.

Nos gardiens laissaient tomber du pain et celui qui avait le malheur de se pencher pour le ramasser, avait, soit une balle de revolver, soit des coups de crosse de fusil.

Nous avons souffert de la faim ; nous en fûmes réduits à manger des morceaux de fesses et de bras sur des camarades morts récemment. Sur un petit feu nous faisions griller ces morceaux et les mangions.

Pendant nos moments de repos, nous nous allongions sur le tas de charbon et nous mangions du charbon par poignée.

Toute personne épuisée, tombant sur la route, recevait un coup de revolver tiré à bout portant par les S.S.

Étaient abattus par coups de revolver également tous ceux qui ne pouvaient suivre le convoi ainsi que ceux qui tentaient de s’évader.

De temps à autres les S.S. qui trouvaient que nous n’avancions pas assez vite, pris d’une sorte de folie, tiraient dans les rangs presque sans interruption.

J’ai été témoin de ces assassinats qui étaient accomplis par les S.S. à coups de fusil.

Je les ai vus tuant un détenu parce qu’il avait une paire de chaussures neuves et qu’ils voulaient se l’approprier ; un autre, un employé de chemin de fer belge qui sortait de la prison de Gleiwitz, parce qu’il avait reçu une cigarette qu’un prisonnier français lui avait jetée ; un troisième enfin, parce qu’il avait reçu un morceau de pain qui lui avait été jeté. D’autres ont été tués parce que, dans la grange, ils se sont couchés sur le côté gauche au lieu du côté droit comme on leur avait indiqué.

Un homme, âgé d’une cinquantaine d’années, portait dans ses bras son fils de 18 ans qui ne pouvait plus marcher. Épuisé à son tour et ne pouvant plus porter son fils, il le posa à terrer. Le pauvre garçon fut fusillé sur place par les S.S. e le père dut continuer sa marche.

Je marchai sur la route, avec mon frère et un camarade, lorsqu’un officier S.S. à cheval, s’arrêta auprès de nous ; il était accompagné de deux soldats armés. Il nous dit de continuer à marcher devant lui. Nous avions à peine fait 5 mètres dans un petit bois qu’il fit feu sur la tête de mon camarade à bout portant. Celui-ci eut le sang-froid de s’abattre, en simulant la mort, ensuite il tira sur mon frère et le tua. Le revolver s’enraya. Pendant qu’il rechargeait, je me sauvais dans le bois.

Je suis ensuite revenu deux heures après ; j’ai retrouvé le corps de mon frère.

En cours de route, dans le village de Noenschebsdorf, près de Trautenau, nous avons rencontré un ouvrier français, ancien prisonnier transformé, ayant ses papiers en règle (je les ai vus entre les mains) ; parce qu’il ne pouvait plus suivre le convoi, il a été tué par les S.S. qui nous accompagnaient. Quatre prisonniers de guerre roumains qui s’étaient joints à notre convoi, en sortant d’un hôpital, furent tués et enterrés par les S.S. de notre convoi.

Au cours d’une attaque d’aviation, les S.S. qui conduisaient les internés, s’enfuirent dans un bois en leur donnant l’ordre de ne pas bouger et de rester en bordure de la route. Une partie des déportés s’étant réfugiés également dans le bois, les S.S. firent par la suite une chasse à l’homme et il y eut pas mal de morts.

Ils nous ont fait creuser une fosse pour mettre les cadavres de ceux qui étaient à peu près morts ou trop fatigués pour continuer la marche. Un officier a demandé à ceux qui étaient les plus faibles et qui ne pouvaient plus marcher, d’enterrer les cadavres, puis ils ont abattu une cinquantaine de fossoyeurs qu’ils ont fait enterrer par la suite par les prisonniers russes qui se trouvaient dans ce camp.

Pour la dernière étape (nous avions déjà fait 100 kilomètres), il fallait faire encore 25 kilomètres ; la bataille se rapprochait. Cette étape a été la plus meurtrière. Ils étaient pressés et ils nous faisaient courir. Ceux qui ne pouvaient pas courir, ils les abattaient. Ils ont tué ainsi plus de 1 000 personnes.

A un moment donné, on nous parqua dans des wagons à charbon, sans toit, 140 hommes par wagon. Nous restâmes dans ces wagons trois jours et trois nuits debout, serrés étroitement les uns contre les autres, sans pouvoir nous asseoir ni dormir. Arrivés à un point d’épuisement total, on penchait la tête sur l’épaule d’un voisin et on dormait quelques minutes. Il y avait parmi nous beaucoup de morts par épuisement.

Par deux fois, les Allemands nous firent ouvrir les wagons pour descendre les morts qu’ils entassèrent dans les wagons qu’ils avaient vidés des vivants. Mais le voyage se poursuivait, la mortalité augmentait. Il fallait stationner des journées entières pour continuer à faire ces opérations de ramassage de cadavres. Au bout de 3 jours, l’opération fut abandonnée et afin de préserver nos propres vies pendant le reste du voyage, nous balancions les morts par-dessus les wagons.

Notre convoi sui comprenait 300 personnes au départ, était réduit à 92 à notre arrivée en Tchécoslovaquie, le 12 mars 1945.

D’un autre convoi de 300, il ne restait plus que 15 survivants.

Le 3 mai, on nous mit avec un autre contingent dans des wagons, en direction des lignes américaines. Arrivés à quelques kilomètres, les portes furent ouvertes pour les besoins personnels. J’en profitai avec trois de mes camarades pour me cacher dans un petit bois. Bien nous prit car les Américains, à leur arrivée, trouvèrent les corps mitraillés dans les wagons ; il y en avait 650 à 700.

1 100 femmes, hors d’état de marcher, qui ne purent donc quitter le camp, furent enfermées dans deux blocks que les Allemands firent sauter à la dynamite avant de partir.

Nous sommes restés à peine 1 500 sur l’effectif de 3 700 au départ. Ils en ont tué encore à l’entrée du camp. Un gosse de 14 ans, un Juif hongrois, le plus jeune arrivé au dernier convoi, a été abattu par un S.S., au commencement de la deuxième étape, parce qu’il ne pouvait plus marcher et qu’il tombait par terre.

Nous restions alors 2 000. Les S.S. nous donnèrent le choix : ou continuer deux heures plus tard vers Breslau, ou de rester au camp. Ceux qui continuaient avaient la garantie de la vie sauve. La plupart pourtant, exténués de fatigue restèrent. Il y eut seulement deux ou trois cents qui continuèrent le chemin, nous avons appris par la suite, par les Russes, qu’ils avaient été tous anéantis par ordre des S.S.

Il est resté dans le train un nombre de détenus que je ne puis déterminer, mais qui s’élève certainement à plusieurs milliers.

Les S.S. ont alors distribué des armes aux détenus allemands qui ont, avec les S.S., mitraillés, sous nos yeux tous les détenus restés dans les wagons.

Sur 5 000 détenus qui furent emmenés le jour même, à ma connaissance 2/3 des hommes partis ce jour-là sont morts.

Un convoi parti d’Eplich, arriva à Meiste, à 1 kilomètre de Gardeulgen, le 11 avril 1945. Les S.S. enfermèrent les détenus dans un grand bâtiment et le lendemain les massacrèrent à la grenade pendant qu’un caporal S.S. de 16 ans, mettait le feu à la paille imbibée de pétrole, en riant. Ceux qui tentèrent de s’échapper furent abattus.

Sur 2 500 Français, il en est mort plus de 2 000.

Nous étions 5 000 personnes lorsque nous quittâmes Birkenau le matin. Après un voyage de 8 jours et 8 nuits, le convoi ne se composait plus que de 2 500 personnes. Les autres moururent soit par étouffement à l’entassement, soit par la faim, ou bien encore abattus par les S.S. Toute la ligne de chemin de fer était jonchée de cadavres que nous jetions par-dessus bord pour faire place aux vivants.

Les 20 janvier 1945, sur 4 600 que nous étions au départ, nous n’étions plus que 1 700 à l’arrivée (ceci pour notre convoi), mais d’autres sur lesquels je n’ai aucun détail, nous suivaient.

Sur les 6 à 7 000 détenus transportés par ce train, il n’en restait que ¼ de vivants, la moitié avait succombé pendant le voyage et l’autre quart, dans l’infirmerie, quelques jours après.

Un gros convoi que les uns fixent à 12 000, d’autres à 14 000, a été attiré dans un guet-apens (endroit dénommé dans toutes les sources où j’ai puisé mes renseignements, Forêt de Giessens, en Haute-Silésie) et là les S.S. attendaient avec une mitrailleuse et mitraillettes, et les ont exécutés en masse. Une centaine seulement se serait échappée de ce carnage mais parmi les échappés je n’ai pas vu de Français. Il y en avait pourtant dans le convoi.

Il y avait au camp, trois ou quatre jours avant l’arrivée des Américains, 52 000 personnes. Plus de la moitié fut évacuée, et j’ai su qu’un très grand nombre, sinon la majorité, a été abattu en cours de route.

Ils ont quitté le camp environ 20 000. Après enquête, beaucoup ont été exécutés le long du parcours, le chiffre est difficile à fixer.

Près de Gleiwitz, 18 000 détenus ont été massacrés à la mitrailleuse dans une forêt. Quant à moi, je me suis évadé pensant que c’était là l’unique  chance de salut et j’ai rejoint l’armée rouge.

Tout à coup, en cours de route, les S.S. nous dirent : « Partez ». On entendait les mitraillettes des Allemands qui nous tiraient dessus. Les S.S. criaient : « Allez en avant, los, los ». Nous demandions dans quelle direction. Les Juifs polonais, avec leurs expériences de 5 ans, nous disaient : « Maintenant, c’est la fin. Faites vos prières, c’est fini ». Ils connaissaient les méthodes allemandes. Alors, je fis un saut de côté et me cachai dans le bois sous la neige. Mon camarade et moi, nous y sommes restés trois jours et trois nuits pendant que les 20 000 furent mitraillés.

Enfin, des 80 000 détenus affamés et affaiblis que les Allemands jetèrent sur les routes, la plupart ont été massacrés.

Le commandant du camp, à l’arrivée des Alliés, a déclaré avoir reçu l’ordre, au moment de l’avance alliée, de nous enfermer dans les blocks et d’y mettre le feu. Il ne l’a pas fait, d’abord parce qu’il pensait que la dysenterie, le typhus, la faim et la soif se chargeraient de régler notre sort à tous et qu’ensuite, le camp ayant été cerné, il avait été trop tard pour mettre ce projet à exécution.

Le dimanche, 15 avril 1945, arrivaient les Anglais. Notre vie fut ainsi sauvée, mais celle de tant d’autres …. Le nombre des morts, grâce à la nourriture, a cependant diminué de 7-800 à 200 par jour.

F I N

mardi 11 juin 2013

Camps de concentration -Gazage et crémation-





GAZAGE ET CRÉMATION

A leur arrivée au lieu d’exécution, lequel était entouré d’une double haie de barbelés, les hommes, les femmes et les enfants devaient se déshabiller entièrement et on donnait à chacun une serviette et un morceau de savon. Ensuite on les conduisait dans le bâtiment jusqu’à ce qu’il fût complètement rempli.

Une fois les femmes n’ont pas voulu se déshabiller. Une d’entre elles, une Juive italienne a sauté sur un officier S.S. lui a arraché son révolver et l’a tué dans la chambre à gaz et elle en a blessé un autre.

Parmi beaucoup d’autres, un cas reste particulièrement gravé dans ma mémoire. J’étais depuis deux ou trois semaines dans le camp lorsqu’un groupe d’environ 200 Israélites venus de Belgique y fit son apparition. On les dirigea tous vers les cabines de gaz pour y être asphyxiés. Parmi eux se trouvait une jeune Israélite d’une merveilleuse beauté, elle tenait dans ses bras un bébé d’environ trois ans.

Le chef S.S. la remarqua et lui dit : « Venez avec moi dans la baraque, je veux retarder votre fin de quelques heures ». La jeune femme, pour toute réponse, désigna l’enfant qu’elle tenait dans ses bras. « Qu’à cela ne tienne » s’exclama le chef S.S. et il prit le petit des bras de sa mère. L’enfant se mit à rire croyant que l’officier voulait jouer avec lui, il se pencha vers l’Allemand vraisemblablement pour l’embrasser. Alors l’homme, pour toute réponse, prit son élan et brisa la tête du petit contre le mur de ciment. L’enfant n’eut pas même le temps de pousser un cri. Mais la jeune mère réussit à saisir le revolver qui pendait à la ceinture de l’Allemand et l’abattit ainsi que plusieurs autres S.S..

On s’empara d’elle ; elle fut suppliciée dans l’antichambre même de l’édifice des asphyxiants.

Dès que les chambres étaient pleines il est arrivé que les bourreaux S.S. décidaient de faire jeter les adultes par-dessus les adultes.

Dans un convoi de femmes juives, l’une d’elles ayant un bébé de sept mois, fut séparée de celui-ci avant de passer à la chambre à gaz, l’enfant étant laissé dehors. Un S.S. s’apercevant que l’enfant avait été oublié le prit par une jambe et lui fracassa la tête le long du mur.

Un jour, le Oberscharführer tint le langage suivant aux internés enfermés dans la chambre à gaz : 
« Messieurs, après avoir dévalisé le monde, vous êtes venus à Birkenau. Ici chacun doit travailler dans son métier, les médecins, les ingénieurs, avocats, etc… Mettez-vous ensemble. Déshabillez-vous, mettez bien vos affaires pour les retrouver à la sortie. Aidez-vous à bien vous désinfecter, car vous venez de pays où il y a des épidémies et, pour cela, poussez-vous bien les uns contre les autres, de façon qu’on ne soit pas obligé de vous faire recommencer l’opération deux fois.

Les prisonniers obéirent ; les derniers poussés dans la casemate, cette fois-là, furent les médecins.

Avant de fermer la porte de a casemate, le Oberscharführer, avec un rire satanique, leur cria : « Und jetzt werden Sie sterben wie die Ochsen » (et maintenant vous allez mourir comme des bœufs).

La manière d’opérer bien établie était d’empiler les adultes nus, hommes et femmes ensembles, si serrés qu’ils ne pouvaient pas bouger. Les enfants généralement étaient saisis par les chevilles par les S.S. et la tête écrasée contre une pierre. Leurs corps étaient alors jetés sur les têtes de leurs parents et la porte fermée.

Oh ! Mon Dieu quelles visions apocalyptiques : ces cris de mères implorant pitié pour leurs enfants qui, bien souvent, se trouvaient dans la même chambre ou celle d’à côté. Ces enfants réclamant leurs parents, ces frères, ces sœurs, implorant encore Dieu et espérant sa clémence alors qu’ils se trouvaient au seuil de la mort. Ces plaintes, ces cris de désespoir, ces traces d’ongles sur les murs de ces terribles salles, je ne les oublierai jamais.

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Une fois toutes les portes fermées hermétiquement, l’ai était raréfiée par des aspirateurs afin de diminuer la quantité d’oxygène et accélérer ainsi l’asphyxie.

Par une ouverture du plafond, les Allemands jetaient dans une colonne formée de fil de fer, située au milieu de la pièce, des récipients. Le contenu des récipients a été analysé à l’effet d’établir la teneur en acide cyanhydrique par la formation du bleu de Prusse, par le papier de tournesol benzidinocyanate  et par le picrate de sodium. On a prélevé des échantillons dans 18 boîtes et on a obtenu 48 réactions.

Ainsi, le contenu analysé des boîtes constitue une préparation de « Zyklon B » composé de Kieselgahr ou silice à granules spécialement préparée, chaque granule étant de la grosseur de 1 cm et imbibé d’acide cyanhydrique liquide, stable. Le contenu des boîtes découvertes en quantité dans le camp et étiquetée « Zyklon » est identique au « Zyklon B ». Les échantillons de gaz prélevés dans cinq ballons ont été vérifiés à l’effet d’établir la présence de l’oxyde de carbone par la réaction avec le quinoxyde d’iode et le papier réactif chloro-palladeux.

Chaque récipient était percé de quatre trous par lesquels se dégageait le gaz. La colonne de fil de fer empêchait les détenus de s’approcher du récipient et le boucher avec leurs mains les trous. Le gaz se dégageait donc asphyxiait.

Des ventilateurs sont actionnés et activent la répartition du gaz dans toute la pièce.

Les détenus placés auprès de la colonne de fil de fer mouraient en six ou sept minutes, ceux qui étaient plus éloignés étaient asphyxiés en huit ou douze minutes. Pour que l’opération réussisse certainement, la chambre n’était ouverte que quinze ou vingt minutes après.

Des fenêtres témoins permettaient aux S.S. et à la Gestapo d’assister à l’horrible spectacle.

Le travail terminé, la porte de la chambre était alors ouverte, un ventilateur chassait le gaz et une équipe nommée Sonderkommando emportait les cadavres.

Les asphyxiés sont tous égratignés de la plus affreuse façon. Les malheureux, dans leur affolement, dans leur agonie, s’arrachent les yeux, se labourent le corps.

Les cadavres, serrés, sont entremêlés les uns aux autres. Il semble impossible de les sortir, d’où l’emploi d’espèce de hoyaux à deux dents pour retirer les cadavres de la chambre. Ils sont sortis un à un, amenés près de l’ascenseur où, avant de les charger dans la cale, une équipe dite de récupération, va procéder à l’inspection de la bouche pour effectuer la récupération des dentiers et des dents en métal précieux ou des bagues qui peuvent encore rester aux doigts des cadavres. On ne peut concevoir que l’esprit de rapine soit poussé jusque là, telle est pourtant la vérité.

C’est une équipe de quatre dentistes spécialisés qui procède à l’enlèvement des dents en or des cadavres.

Des chambres à gaz, les cadavres étaient systématiquement transportés pour être incinérés au crématoire.

J’ai souvent vu ce camion avec sa remorque qui faisait la navette entre la chambre à gaz et le crématoire ; de la chambre à gaz il partait chargé de cadavres, il était vide au retour.

Les cheveux des femmes étaient également coupés avant leur incinération.

Les cadavres sont transportés par wagonnets ascenseurs à l’étage supérieur où se trouvent six fous brûlant et réduisant en cendres 36 cadavres en vingt minutes, 108 corps à l’heure, soit 2 592 par vingt-quatre heures, car ils brûlaient sans interruption.

Le plancher de certaines chambres à gaz formait trappe et s’ouvrait directement sur d’immenses fours crématoires.

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Au risque de ma vie, j’ai visité moi-même une nuit avec des camarades un four crématoire et je peux dire qu’il était aménagé d’une façon très moderne.

Le bâtiment était fait de fortes briques de construction au sol, en ciment, en étage, avec un sous-sol s’étendant dans toute la largeur du bâtiment, de 3m.70 de haut. L’étage principal contenait un bureau administratif « donnant » sur la façade ; une armoire et un cabinet de toilette pour le personnel S.S. situés à l’autre extrémité du bâtiment, enfin la chambre d’incinération au centre. Cette dernière contenait sur une même ligne, deux batteries à trois incinérateurs, chacune avec un foyer de briques, chaque incinérateur ayant une capacité de trois corps, soit une charge totale de 18 corps.

Le sol de chaque incinérateur comportait une grille rudimentaire par laquelle chaque jour les cendres étaient enlevées à la fin de l’opération. Le feu venait d’une fournaise (chambre à feu) occupant les 2/3 arrières du sol. Les flammes étaient déviées sur les corps par des chicanes situées au sommet de la chambre à feu. La partie du sous-sol donnant sur la façade comportait la chambre de strangulation.

La crémation durait vingt-cinq minutes. En une heure on pouvait brûler 6 cadavres. Les crémations étaient alors poussées : au lieu de brûler du coke, on utilisait une espèce de combustible dénommé « Naphta ». La chaleur était encore intensifiée au moyen d’un moteur spécial qui chassait l’air. La température de ces fours pouvaient être portée à 1 500°.

Naturellement lorsque trois corps brûlaient ensemble, il n’était pas question de séparer les cendres ; lesquelles n’étaient pas vidées à chaque chargement mais seulement lorsqu’on arrêtait la crémation.

Chaque four pouvait contenir deux ou trois personnes selon la taille et le poids de celles-ci.

On pouvait faire tenir quatre cadavres à la fois avec les extrémités tranchées.

Et, en effet, pour faire tenir dans les fours le plus possible de cadavres, ces derniers étaient démembrés, en particulier on tranchait les bras et les jambes.

Les fours géants étaient faits de briques et de fer, c’étaient des crématoires d’une grande capacité de service.

J’ai vu neuf fours perfectionnés. On pouvait y mettre jusqu’à quinze corps dans un seul four.

La crémation fut si brutalement interrompue à l’arrivée des blindés américains dans la zone que les S.S. n’eurent pas le temps de mettre « leurs affaires en ordre », de sorte que les différents stades de tortures (stade des opérations successives) purent être pleinement examinés et compris. Le contingent de cadavres du jour précédent s’élevant à plus de 120 prisonniers, qui étaient morts dans le camp, fut entassé dans un camion dans la cour principale. Les grilles des foyers d’incinération n’avaient pas encore été nettoyées de leurs iliaques et parties de « bassins » et de leurs parties de crânes.

4 crématoires possédaient en tout 56 fours.

Rien que ces 56 fours brûlaient au total, quotidiennement 7 à 8 000 personnes.

Sur cinq autres crématoires, il y en a toujours quatre qui fonctionnent. Le débit journalier est pour l’ensemble de 10 400 en moyenne.

Les fours fonctionnent jour et nuit.

Aux jours de grande extermination, l’odeur cadavérique qui se répandait du camp jusqu’aux environ de la ville, et qui obligeait les habitants de Lublin à se couvrir la figure de leurs mouchoirs, terrifiait les habitants de la banlieue.

D’ailleurs nous voyions avec effroi les flammes rouges et gigantesques des crématoires qui s’élançaient vers le ciel.

Les S.S. nous disaient : « Ici il n’y a qu’une sortie, c’est la cheminée ».

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Les Allemands ont toujours veillé avec le plus grand soin à ce qu’un secret absolu couvrît ce secteur de leur activité.

Les internés n’étaient jamais admis à approcher des « chambres » ni des « fours ». Ceux d’entre eux qui avaient été désignés pour travailler à leur entretien et à leur manipulation (transports des corps, broyage des os après la crémation, etc.) et qui constituaient le « Sonderkommando » ou Kommando spécial, vivaient régulièrement à l’écart. Toutes communications avec eux étaient interdites. Par surcroît de précaution, le personnel en était fréquemment « renouvelé » ; ainsi la première équipe formée en juillet 1942 avec 250 prisonniers de guerre russes, fut entièrement fusillée en août et remplacée par 250 Juifs qui furent également passés par les armes fin 1942.

Et par la suite, le personne préposé au four crématoire fut exclusivement composé de Juifs travaillant sous la surveillance de S.S. Les Juifs qui y entraient ne devaient pas en ressortir, ce qui permettait de changer fréquemment les équipes.

Ces détenus vivent au lieu même de leur travail, ils sont complétement séparés de leurs camarades.

Les détenus des Sonderkommandos sont bien nourris.

Chaque détenu de ce kommando touchait chaque jour les rations supplémentaires ci-après : 560 grammes de pain, 60 grammes de marmelade, 45 grammes de beurre et 50 grammes de saucisson.

Ce travail n’était pas un travail de force, les morts étant aussi légers que des plumes.

Ils exercent leurs fonctions durant 90 jours exactement. Le 91ème jour chacun d’eux doit partir en wagonnet dans le four ou être d’abord gazé. Les internés du Sonderkommando ont le privilège de pouvoir choisir eux-mêmes entre ces deux supplices.

En 1942 et 1944, l’effectif de ces « Kommandos » devait être porté à 800 et tour à tour les internés de nationalités diverses furent affectés (nul ne pouvait échapper à cette désignation).

Etait-il possible de refuser de travailler ? Je crois que non, l’exemple suivant étant une preuve : En mars 1944, un transport de Juifs de Corfou, occupés par les Allemands, arriva au camp de Birkenau. La sélection révéla 400 personnes solides, aptes au travail. On les dirigea sur le crématoire en leur indiquant le travail à faire. Ils refusèrent tous ; ils furent gazés en bloc.

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Les crématoires que nous voyons du seuil de l’hôpital ouvrir leurs portes de demi-heure en demi-heure pour recevoir de nouvelles fournées ne suffisent plus. Les Allemands font alors creuser une immense fosse dont le fond est recouvert de bois sec ; sur ce bûcher les corps sont jetés et brûlés.

La crémation par les bûchers était réalisée dans des tranchées de 50 mètres de long, trois ou quatre mètres de largeur et de profondeur variable. Le fond de ces tranchées était recouvert d’une couche de bois, puis sur cette couche de bois, une couche de cadavres et ainsi alternativement, bois et cadavres, jusqu’à leur remplissage. Lorsque la tranchée était comble, on l’arrosait de pétrole et on y mettait le feu. Au fond de la tranchée avait été pratiqué un petit canal par lequel s’écoulait la graisse humaine dans un récipient placé à l’extrémité du canal. Le contenu de ce récipient était ensuite jeté sur le brasier pour activer la combustion.

On brûle à la fois 10 à 12 000 cadavres provenant des transports hongrois qui se succèdent à une cadence rapide.

On arrivait à brûler jusqu’à 15 000 détenus pas jour. Pour le 27 juin 1944, le Kapo principal du Sonderkommando a donné le chiffre de 24 000 corps brûlés.

Rien que dans les immenses brasiers de la forêt de Krempetz furent brûlés plus de 300 000 corps.

Dans les brasiers du camp même, près du crématoire, au moins 400 000.

Dans la nuit, le spectacle est impressionnant. Les S.S. viennent pour admirer et pour se distraire.

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Souvent il n’y avait pas de gaz, ou les Allemands n’avaient pas le temps de gazer.

Les exécutions n’en continuaient pas moins pour cela.

Pour accélérer  les opérations, les Allemands ont commencé à brûler vivants les vieillards et les enfants qui étaient là. De ce qui précède, je peux en donner la certitude absolue car de l’endroit où j’étais, j’ai vu.

Alors les flammes étaient dirigées sur cette masse d’humanité vivante.

Les malheureux étaient directement déversés dans l’immense brasier.

Les victimes étaient jetées nues et arrosées ensuite d’essence qui était alors enflammée.

Dans le camp, il y avait des malades et si leur maladie était un peu grave, on les envoyait vivants au four crématoire.

Le chef du crématoire, l’Oberscharführer, a ligoté les pieds et les mains d’une femme polonaise et l’a jetée vivante dans le four.

J’ai vu de mes propres yeux les S.S. incinérer vivants 14 officiers russes et 5 officiers polonais tous en uniforme.

En mai 1944, 100 Juifs d’Athènes, ayant refusé en bloc d’être employés au Sonderkommando, furent immédiatement tués : les uns fusillés, les autres brûlés vivants.

Au mois de mars 1945, on avait amené 500 hommes qui ont été brûlés vifs dans le four crématoire du camp

A 800-900 mètres de l’endroit où se trouvent les fours, les détenus montent dans les wagonnets qui circulent sur les rails. Ils sont, à Auschwitz, de dimensions différentes contenant de 10 à 15 personnes. Une fois chargé, le wagonnet est mis en mouvement  sur un plan incliné et s’engage à toute allure dans une galerie. Au bout de la galerie se trouve une paroi ; derrière, c’est l’accès dans le four.
Lorsque le wagonnet vient cogner la paroi, elle s’ouvre automatiquement, le wagonnet se renverse en jetant dans le four sa cargaison d’hommes vivants. Ceci fait, un autre de suite, chargé d’un autre groupe et ainsi de suite.
Il arrivait souvent que de petits enfants soient jetés vivants dans les camions avec les morts.

Plusieurs témoignages montrent que les enfants étaient jetés vivants dans les tranchées.

Dans un convoi arriva, avec d’autres une Juive polonaise ayant une petite fille de trois ans, très jolie. Cette femme connaissait l’existence des chambres à gaz d’Auschwitz et savait qu’elle allait être sa destinée. Lorsque le Kommandoführer passa devant elle, elle lui demanda, puisqu’elle devait mourir de sauver son enfant. Le Kommandoführer entra dans une rage folle et lui répondit : « Maudite Juive, je n’ai pas d’ordre à recevoir de toi ! » Il saisit l’enfant par la poitrine et la porta au four crématoire, la mère le suivant en hurlant ; il fit ouvrir la porte du four et y jeta l’enfant vivant.

On jette les enfants dans ce four, vivants, jusqu’à l’âge de dix ans. Les moins de 45 kilos passaient automatiquement au four crématoire.

Il y avait dans un convoi près de 400 enfants qui furent brûlés vivants.

De nombreux détenus ont été incinérés vivants.

Dans un seul camp, 1 000 000 de malheureux Juifs sont mort d’épidémies de typhoïde ou de typhus mais surtout brûlés vifs dans les fours crématoires.

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Après la crémation, il restait des quantités d’os qui étaient employés de deux façons : à consolider la terre lors de la construction de nouvelles routes, ou bien encore les os étaient moulus et versés dans les fosses.

Car les hitlériens faisaient moudre les menus ossements dans un moulin spécial.

Les cendres étaient vendues à une usine allemande fabriquant des phosphates destinés aux engrais.

La Commission russe des crimes de guerre qui a instruit sur place, a retrouvé les contrats passés entre la firme allemande en question et la direction du camp. Ces contrats contenaient une close spécifiant que les cendres à fournir devaient être d’un « calibre » déterminé.

La Commission a trouvé au « camp de destruction » plus de 1 350 mètres cubes de compost, constitué par le fumier et la cendre des cadavres brûlés et les petits ossements d’êtres humains.

Lorsque le disparu d’une famille dont on connaît l’adresse, on expédie une lettre dont voici à peu près le texte :
« Nos médecins ont fait tout ce qui était en leur pouvoir pour sauver la précieuse vie humaine qui leur était confiée, mais leurs efforts ont été vains, votre mari (ou autre parent) a été emporté par une pneumonie (ou autre maladie). Après avoir rendu les derniers devoirs au défunt, nous avons fait incinérer sa dépouille, nous conserverons ses cendres. Si vous désirez avoir le reste de votre parent, adressez une somme de 150 marks et nous vous en ferons immédiatement l’envoi. »

Au reçu de la missive, la famille se hâte d’envoyer les 15 marks. Alors les autorités du camp font puiser au hasard dans l’immense montagne quotidienne des cendres et font remplir un coffret qu’on adresse aux intéressés.

Ce que la famille recevait n’avait rien à voir avec les cendres du de cujus, mais cette opération faite dans un but mercantile, rapportait des sommes intéressantes à la direction du camp.

Les familles ne pouvaient recevoir que des cendres ayant appartenu à n’importe qui. Il est arrivé que la femme d’un détenu mort reçut les cendres de son mari et que la mère elle-même une autre expédition.

Ayant eu l’occasion de porter quelques lettre du médecin S.S. du Revier à l’Oberscharführer du crématoire, nous avons secrètement ouvert ces lettres ; elles émanaient des mères des détenus morts à Buchenwald demandant qu’on plaçât sur la tombe de leur fils ou de leur mari des couronnes et qu’on fît brûler des cierges et que la note leur fût envoyée !

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A côté de cette extermination systématique, des quantités de déportés mouraient chaque jour et il n’était pas rare de voir des montagnes de cadavres joncher le sol. Ils demeuraient sur place jusqu’à être parfois rongés par les rats.

Le nombre des morts augmentait sans cesse. Dans le block de quarantaine on trouvait de nombreux tas de cadavres.

Il mourait environ 700 détenus par jour. Il y avait des cadavres non enterrés, ni brulés, qui pourrissaient depuis décembre.

Il y avait pourtant un service spécial de ramassage des cadavres qui devait normalement fonctionner tous les matins, mais il ne passait pas dans tous les coins du camp.

Les prisonniers russes étaient transférés des camps réguliers de prisonniers de guerre à Auschwitz ou Birkenau pour des raisons disciplinaires. Nous trouvâmes ce qui subsistait des Russes dans un état terrible d’abandon et de misère, dans le bâtiment inachevé, sans la moindre protection contre le froid ou la pluie. Ils mouraient en masse. Des centaines et des milliers de leurs corps furent enterrés superficiellement, répandant une odeur pestilentielle. Plus tard, il nous fallut exhumer les cadavres et les enterrer à nouveau.

A partir d’octobre-novembre 1944, le charbon nécessaire au four crématoire n’arrivait plus et les cadavres ne pouvaient être brûlés. Ils restaient entassés auprès du four et les Allemands, soucieux de l’harmonie, les faisaient placer par paquets de 500 en tas réguliers. Les cadavres étaient placés tête bêche et, en attendant le charbon, ce sont des milliers de cadavres qui restaient entassés dans la cour du four crématoire. En mars, avec les premiers rayons du soleil, les cadavres ont commencé à sentir mauvais.

Une longue tranchée fut alors creusée par une unité spécialisée et ayant un matériel adéquat, puis commençant par une extrémité, le contingent journalier des morts fut entassé dans cette tranchée, progressivement, en commençant par le bas et tout le long de la tranchée. Le nombre de morts ainsi enterrés, pendant un mois environ, fut de 1 200. Cette information a été fournie par le général de Lattre de Tassigny, le commandant William Bullit et le chirurgien de l’armée. Tous ces chefs avaient inspecté le camp.

Dans un autre camp, en attendant l’arrivée de nouvelles provisions, les corps, au nombre de 1 800 furent réunis dans la cour principale et empilés comme du bois dans un stère. Au grand ennui des S.S. ces corps encombraient la cour principale et pouvaient être un témoignage très ennuyeux, très grave ; puis une période de sécheresse provoqua un problème sanitaire. De plus, les inhumations étaient plus gênantes que les incinérations et c’était en dehors des habitudes de la « Maison ». De toute façon quelque chose devait fait. C’est ainsi qu’un groupe de camions et une corvée spéciale d’internés furent organisés. Les corps furent chargés dans les camions et traînés en dehors du camp.

La corvée spéciale creusa une vaste fosse commune, y jeta les corps et la remplit par la moitié, longitudinalement, puis recouvrit les corps. Ensuite, les S.S. tuèrent à coups de revolver les membres de la corvée spéciale, jetèrent leurs corps dans l’autre moitié de la fosse restée vide, longitudinalement, et recouvrirent ces derniers corps.

Ailleurs, les Allemands ont installé une fosse commune lorsque le four crématoire a été détérioré. La fosse a été installée dans une carrière. On jetait les morts du haut de la carrière, puis on recouvrait la couche de cadavres d’une peu de chlore et d’un peu de terre.

Ailleurs encore, on a décidé la création de la fameuse fosse de la tour Bismarck dans laquelle on précipitait les cadavres avec de la chaux.

Lorsque le 11 avril 1945, vers 11 heures, nous sommes arrivés au camp de Bergen-Belsen, nous avons vu là un spectacle d’horreur que nous n’aurions pu imaginer : 22 000 cadavres gisaient, accumulés entre les blocks, tellement serrés, que par moment nous devions marcher dessus. Ils pourrissaient là sans qu’on les conduise soit au four crématoire, soit à la fosse commune et tous les jours on en ajoutait 7 ou 800 nouveaux.

A suivre - Libération