mercredi 29 mai 2013

Camps de concentration -Le corps médical allemand-





LE CORPS MÉDICAL ALLEMAND

Les médecins ne sont pas employés comme médecins mais tout au plus comme porteurs de cadavres. Ceux qui faisaient réellement fonction de médecins étaient des S.S. qui généralement avaient fait des études médicales extrêmement réduites.. et nous étions sous leurs ordres.

Je me trouvais sous la direction d’un sanitaire allemand qui était un caporal…. Il arrivait à la consultation un bâton à la main et frappait les camarades. Un jour il me demanda si je ne voulais pas faire des piqûres de goudron dans le bulbe pour exécuter certains détenus car, il n’y avait pas assez de morts dans le camp.

Le service médical était assuré et dirigé par les détenus allemands dont aucun ne possédait de formation professionnelle, n’ayant jamais été médecin, ni infirmier. Le kapo chef était un ancien détenu allemand et les autres étaient, soit des menuisiers, des bouchers, des cordonniers. C’étaient eux, cependant, qui décidaient de l’admission ou du rejet des malades. Je citerai par exemple le cas du professeur Richet qui dirigeait un service mais qui était contrôlé par un ancien menuisier allemand. Tout ceci était fait au su et vu de tout le monde et des S.S. et avec l’assentiment du médecin chef S.S. du camp.

Mon chef, qui était 10 ans auparavant forgeron, était devenu chef de la dissection. D’ailleurs la tâche de ce forgeron était simplifiée par le fait qu’il possédait des diagnostics officiels bien rédigés qu’il copiait et envoyait à Berlin. Il ne s’occupait pas du reste. Il existait ainsi environ 8 diagnostics pathologiques, préparés à l’avance, que l’on recopiait et que l’on attribuait au hasard à un cadavre.

Le service chirurgical a été assuré par un Allemand qui se prétendait chirurgien à Berlin. C’était un détenu de droit commun. Il tuait son malade à chaque opération par incompétence.

Le personnel médical se composait d’un directeur d’hôpital allemand aryen, qui était dans la vie serrurier, et qui se chargeait de toutes les opérations chirurgicales.

La direction du block était assurée par deux Allemand remplissant le rôle d’infirmiers. Hommes sans scrupules, qui faisaient les opérations chirurgicales sur place avec un nommé H…, maçon de métier. Ce dernier faisait les grandes interventions sur place et ouvrait profondément la jambe pour le moindre phlegmon.

Fin 1943 et commencement 1944, une salle d’opération fut installée, dans laquelle se faisait la grande chirurgie. Le médecin T…, pour se faire la main, obligeait tous les détenus atteints de hernie à se faire opérer. Après ces opérations, il faisait une sélection parmi ses malades, déclarant la plupart « inaptes au travail » et les envoyait à la chambre à gaz.

Il est arrivé que des médecins employés dans l’hôpital essayaient de dissimuler quelques malades. Ce médecin les a menacés de les exécuter s’ils recommençaient.

Le même médecin T… a également obligé des femmes à se faire opérer de fibromes et de différentes tumeurs gynécologiques pour se faire la main.

Tout détenu d’origine juive qui venait se plaindre de maux d’estomac subissait immédiatement tous les examens nécessaires : examen du sang, analyse du suc gastrique, recherche du sang dans les sels, etc. Indépendamment du résultat de ces recherches, les victimes étaient déclarées atteintes d’ulcères à l’estomac et subissaient l’opération de Billroth n°1 et n°2. Ces gens, après l’opération, ne recevaient pas les soins nécessaires à leur état de santé, les Juifs n’étaient même pas mis à la diète lactée ; quelques jours plus tard, au cours d’une sélection, les victimes étaient dirigées sur la chambre à gaz.

Le docteur K…, de la promotion 1943, voulut apprendre les amputations de toutes sortes, aussi coupait-il les doigts pour un simple panaris ne nécessitant qu’une petite incision. Pour un phlegmon dans la jambe où une incision aurait suffi, K…. pratiquait des amputations qu’il variait suivant les méthodes chirurgicales ; les victimes finissaient toujours dans une sélection.

F…choisissait, parmi les gens récemment arrivés au camp, tous ceux qui étaient atteints de hernie et il les opérait suivant les méthodes connues indiquées par les manuels allemands.

La salle de chirurgie septique a toujours été confiée à des médecins détenus allemands qui étaient sans aucune capacité professionnelle. Ces hommes sont responsables de la mort de quantité de détenus par leur intervention chirurgicale inopportune et pratiquée sur ces malades à titre de véritables expériences médicales.

Le médecin-chef du camp pratiquait des opérations « par pure fantaisie » et souvent sans anesthésie (amputation, castration, ovariotomie, etc.) 8 opérés sur 10 mouraient de septicémie.

Nous avons placé un jeune homme sur un brancard, il avait une inflammation de l’ombilic et un jeune médecin S.S. qui n’avait jamais opéré voulait s’exercer sur lui. Je le transportai à la salle d’opération et j’ai su, par les Leichentrager qui l’ont emporté, qu’il était mort le soir même.

Certains médecins allemands opéraient consciencieusement, mais après les opérations d’ulcère à l’estomac je les ai vus apporter à l’opéré de la viande et des pommes de terre. Au bout d’un certain temps, ils les envoyaient au gaz.

EXPÉRIENCES MÉDICALES ET VIVISECTION

Les Allemands faisaient des expériences médicales et ils avaient réservé plusieurs blocks à cet effet. Les cobayes étaient naturellement des détenus.

Entendez-moi bien, les cobayes sont les hommes et l’on expérimente sur eux les produits qui servent à détruire : le gaz nouveau ou liquide incendiaire aussi bien que ceux qui doivent guérir : vaccin ou antivirus.

Il y avait des expériences faites à l’infirmerie de Neuengamme pour la tuberculose. Un docteur de Berlin venait toutes les semaines. Il orientait et réglait les expériences lui-même. Deux docteurs français ont été témoins de ces expériences. Ils m’en ont parlé souvent mais ils étaient toujours extrêmement discrets car ils craignaient les représailles et se réservaient de donner des explications et détails complémentaires dès leur arrivée en France ; malheureusement je crains qu’ils soient disparus tous deux.

L’un d’eux m’a dit un jour que ces expériences étaient absolument grotesque car l’emploi du remède utilisé pouvait se comparer à l’emploi d’un canon de 420 contre une mouche ; autrement dit, le remède était extrêmement brutal et plus dangereux que la maladie elle-même.

Dans le block n°20, se trouvait une grande salle de tuberculeux. Les usines Bayer envoyèrent un médicament sous forme d’ampoules ne portant aucune indication. On faisait, avec ces ampoules, des piqûres aux tuberculeux. Ces malheureux n’ont jamais été gazés, mais on attendait leur mort qui survenait très rapidement. Tous les tuberculeux du camp présentaient un terrain spécial qui favorisait l’évolution ultra-rapide de l’affection en raison des conditions d’hygiène du camp qui étaient déplorables.

A l’autopsie, on prélevait des fragments de poumons et des ganglions trachéo-bronchiques qui étaient envoyés, aux fins d’étude, à un laboratoire indiqué par l’usine.

150 femmes juives achetées par « Bayer » à l’administration du camp d’Auschwitz, placées dans un block de femmes en dehors du camp, servirent à des expériences de médicaments, inconnus, à contenance hormonale.

Un institut allemand a demandé que des expériences soient faites avec de l’évipan soporifique anesthésique employé en injections intraveineuses.

Naturellement, ce furent encore les détenus qui firent les frais de ces expériences et ce au camp du Buna. On demanda à cet effet à l’S.S. du Révier 6 000 ampoules d’évipan.

Buchenwald, était un grand centre d’étude sur le typhus exanthématique qui dépendait de l’institution d’hygiène S.S. de Berlin, dont le chef était un médecin-chef S.S. Le centre d’études était installé « au block 46 » et aménagé avec les derniers perfectionnements et un grand luxe. Il comprenait un centre diagnostic, le laboratoire, les locaux de préparation de vaccin (destiné aux besoins de l’armée allemande). Étant donné que le microbe du typhus est pratiquement impossible à conserver dans un bouillon de culture, dans un tube de verre par repiquage, comme pour la majorité des autres microbes, la conservation des souches du typhus se faisait sur l’individu vivant. Chaque individu était une souche vivante du microbe de typhus.

Bien souvent, on expérimente sur les détenus des vaccins nouveaux.

Le camp recevait de l’Institut Weigl de Cracovie et d’Italie, que l’on devait expérimenter et améliorer. On devait choisir les cobayes, de préférence parmi des « droits communs » verts, mais comme c’était le kapo qui les désignait, on pouvait envoyer n’importe qui au block 46, et il y eut des politiques français, des gens de la Résistance qui y ont été envoyés. On y expédiait, les gens dont on voulait se débarrasser.

Choix des cobayes :
1° Certains étaient volontaires parce que bien nourris, aucun travail, bien traités. Pour beaucoup, espoir de vivre quelques semaines de plus
2° Désignés d’office parmi les verts (détenus de droit commun allemands)

Pour une expérience de vaccin on prenait par exemple 100 personnes : 80 recevaient une vaccination préventive et, 15 jours après la dernière piqûre de vaccination, on injectait à ces mêmes détenus, en intraveineuse, 5 cm cube de sang virulent de typhique en pleine crise. Parallèlement, les 20 autres détenus, qui n’avaient pas été vaccinés et servaient de « témoins », recevaient la même quantité. Au bout de 4 à 5 jours, les témoins  mouraient ou commençaient à mourir car lorsqu’on reçoit une injection comme celle-ci, il n’y a pas d’exemple qu’on puisse être sauvé. En général, 1/10e de cm3  suffit pour déterminer la mort.

Les vaccinés eux, ne mouraient pas tous et les Allemands établissaient une échelle de la valeur du vaccin par rapport aux « témoins », et ils avaient ainsi une courbe d’efficacité basée sur la rapidité et le nombre des gens qui mouraient par rapport aux rescapés . Au bout de 2 ou 3 mois, il y avait un certain nombre de survivants, si le vaccin avait été efficace. Dans ce dernier cas, les survivants étaient « liquidés » par une piqûre de phénol intracardiaque.

En 1944, 200 personnes sont mise à la disposition du docteur V.H., et 150 sont alors immunisées contre le typhus exanthématique, 50 réservées comme témoins. A l’ensemble des 200, il a alors inoculé du virus typhique. L’expérience terminée, si les sujets n’étaient pas morts, ils étaient exterminés et incinérés.

A la fin octobre 1943, on donna l’ordre à notre section pathologique d’envoyer au plus tôt de magnifiques préparations anatomiques aux principales universités d’Allemagne. A la même époque, on fonda une station spéciale pour la tuberculose, ainsi que la station « Histologie » qui reçut l’ordre d’étudier immédiatement toutes les formes de tuberculose par des préparations histologiques. En même temps, une collection complète de préparation d’organes sains comprenant plus de 2 000 préparation envoyée à l'Université d'Innsbrudk. Ces préparatuibs  étaient précieuses parce qu’elles provenaient de gens absolument sains et que l’on avait ensuite soit pendus, soit passés au crématoire.

Dans le block n°20, les Allemands faisaient également des expériences, avec un médicament à base de sulfamide dénommé B. 1034, qui était utilisé pour un grand nombre de maladies ce médicament s’est révélé favorable au traitement dans l’ensemble, mais sans succès dans le traitement des phlegmons et des plaies.

La recherche de la valeur médicamenteuse du B.1034 fut également poursuivie dans le block chirurgical n°21 sur un très grand nombre de malades, mais sans résultat sur l’évolution des plaies et sur les grandes suppurations. Plusieurs cas de septicémie eurent une issue fatale, bien que traitées avec ce médicament.

De nouvelles toxines et antitoxines, en particulier, étaient essayées sur les prisonniers. Peu de prisonniers qui sont entrés dans ce bâtiment pour « expériences » en sont ressortis vivants.

Un jour, des infirmières allemandes sont venues à l’infirmerie, block n°10, et ont demandé : « Quelles sont celles, parmi vous, qui ne dorment pas ? » Beaucoup de jeunes femmes levèrent la main ; 18 reçurent une dose plus ou moins forte d’une poudre blanche, dont nous ne connaissions pas la teneur, mais nous pensions qu’elle était à base de morphine. Sur les 18, 10 sont mortes le lendemain matin. C’était certainement une expérience.

Dans un autre camp, ils faisaient des expériences par blocks entiers, principalement sur les vieilles femmes. Les femmes recevaient de la poudre blanche et le lendemain, il y avait 60 ou 70 cadavres.

J’ai vu en septembre 1944 prendre 10 hommes valides. Après leur avoir fait absorber une drogue ressemblant au rhum, tant au point de vue couleur qu’au point de vue odeur, ils se sont endormis. Dans la nuit 4 sont morts.

Des prêtres polonais ont eu des injections de microbes de malaria et de phlegmons ; beaucoup sont morts. Un prêtre allemand lui-même a subi par deux fois des injections de microbes de malaria.

Pendant mon séjour, d’autres expériences ont été faites au block 46 ; il s’agissait de trouver une médication pour la cicatrisation des brûlures des bombes au phosphore jetées par les Américains. Ils avaient essayé toute une série de médications qui n’avaient pas donné de bons résultats. On a donc choisi une cinquantaine de Russes. On leur a brûlé le dos au phosphore avec « témoins » ne recevant pas de médication. On notait la rapidité de cicatrisation des plaies entre ceux qui recevaient une médication et les « témoins ». Lorsque l’expérience était terminée, au bout de trois mois, tous les survivants étaient « liquidés ».

On convoqua, un dimanche, 4 convalescents de constitution robuste et on leur fit absorber à chacun un verre de liquide contenant une solution d’un médicament soporifique dont la dose mortelle était à établir. Ces médicaments avaient été envoyés par les usines Bayer au camp d’Auschwitz, aux fins d’expériences. Deux ce ces cobayes absorbèrent, mélangé au poison, un vomitif. Les quatre cobayes furent ensuite placés au block 19, le médecin devait suivre l’effet du médicament. Deux d’entre eux vomirent et survécurent avec un sommeil profond de onze heures. Les deux autres sont morts le soir même.

Les deux survivants furent repris le jour suivant pour une seconde expérience, avec deux nouveaux cobayes (en remplacement des deux autres, lors de la première expérience). On leur donné à boire une nouvelle solution ; deux vomirent et les deux autres moururent.

A ce moment, on travaillait techniquement à la préparation des V 3 et on devait expérimenter sur des hommes la force du poison que devait contenir la matière de la nouvelle arme. Aussi, appela-t-on un jour 6 kapos au block 46, on leur égratigna le bras comme pour une vaccination au moyen d’une pointe imprégnée de poison, puis ils furent transportés en auto dans la salle des cadavres du crématoire et nous reçûmes tous l’ordre, aussi bien au crématoire qu’à la section de dissection, de quitter nos postes immédiatement pour trois heures. Après 3 heures, nous pûmes revenir, mais nous entendîmes des cris affreux et on nous renvoya. Ce n’est qu’après 3 heures que nous pûmes revenir ; l’expérience de la nouvelle arme avait donc échoué, l’action n’étant pas assez rapide. On aurait eu le temps de donner du contrepoison.

Au block 28, dans la chambre 15, étaient réunis 30 prisonniers divisés en 3 groupes de 8 à 12.

Le premier groupe de ces cobayes reçut des injections de pétrole sous la peau des deux jambes. L’injection était de 2 à 3 cm3 de pètrole, sous-cutanée et très profonde. Au bout de 8 jours, un phlegmon non purulent se déclarait, on l’incisait, on recueillait le pus dans les tubes stérilisés, hermétiquement fermés, qui étaient envoyés à l’Institut de Breslau.

Le second groupe de 10 hommes a subi d’autres expériences qui consistaient à exciter la peau à l’aide de substances chimiques diverses. On appliquait à certain d’entre eux une solution à 80% d’acétate d’alumine (solution de Barow). Les applications étaient faites chaque jour tantôt sur l’épaule, tantôt sur les jambes, toujours au même endroit pendant une semaine. Après cette période, apparaissait une grosse irritation de la peau qui allait jusqu’à l’ulcération profonde dans certains cas. On excisait cette irritation en deux couches (l’une superficielle, l’autre profonde), que l’on mettait dans des tubes stérilisés, lesquels étaient envoyés également à Breslau pour étude histopathologique. A noter que ces ulcères guérissaient difficilement. Chez un détenu juif hongrois la guérison est survenue seulement après 7 mois.

A d’autres encore, on appliquait une poudre noire sur la face externe de l’épaule.

Le troisième groupe reçut à l’entrée de la salle n°13 un petit déjeuner consistant en 250 grammes de pain blanc et un thé léger. A une heure fixée, le nommé K… les convoquait tous dans une chambre spéciale où ils étaient obligés en sa présence d’absorber 15 à 20 pilules d’acrichine. On les renvoyait à la  chambre 13 ; chacun recevait un bocal dans lequel il devait uriner. Chaque jour, on prélevait les urines et on les envoyait par courrier spécial à Breslau. Le troisième jour tous les détenus qui avaient absorbé de l’acrichine étaient atteints d’ictère. Ces prélèvements d’urine ont duré 3 semaines avec analyses quotidiennes. Ces expériences durèrent du 22 août au 25 octobre 1944.

Le block 10 contenait 350 à 400 femmes cobayes pour les expériences surveillées par le professeur G…. de la Faculté de Médecine de Breslau.

Ces femmes furent divisées en plusieurs groupes, chaque groupe subissait une méthode différente d’expérience.

Sur un petit nombre de femmes, les Allemands auraient pratiqué la fécondation artificielle ; l’enquête faite au camp et les recherches des victimes n’ont pas donné de résultat. Je crois que les femmes ayant subi cette expérience ne veulent pas faire connaître leur mésaventure.

Un autre groupe recevait des injections contenant des hormones sexuelles. Les ampoules médicamenteuses étaient fournies par le même professeur qui les apportait dans sa serviette ; les injections furent pratiquées sous sa surveillance.

Il nous a été impossible de connaître la nature de la substance injectée et les résultats obtenus, ces résultats ayant été tenus secrets.

A la suite de ces injections, plusieurs femmes présentèrent des abcès qui furent incisés au block 10.

Un troisième groupe de 15 à 20 femmes a subi des interventions chirurgicales sur les organes génitaux, pratiquées au block 10, telles que : excision du col de la matrice, inoculation dans le col de la matrice d’un liquide cancéreux sur des femmes atteintes de cancer du col de la matrice. Ce liquide était passé par une bougie filtre de Chamberland pour l’élimination des cellules cancéreuses. Ceci dans le but de vérifier la théorie de l’inoculation du cancer par un virus filtrant supposé dans les tissus cancéreux.

Une jeune femme de 25 ans, arrêtée au camp d’Auschwitz après le départ des Allemands, et soignée au block 10, est décédée. L’autopsie pratiquée sur elle a démontré la présence d’un cancer à la matrice inoculé 6 mois auparavant.

Ce cas a fait l’objet d’un rapport de la part de la commission d’enquête russe.

En quatrième groupe reçut de injections dans la cavité de la matrice, d’une substance spéciale, envoyée par une usine de produits pharmaceutiques. Le but poursuivi était de trouver une substance autre que le lipodol (qui était très difficile et très coûteux à fabriquer par suite du manque d’huile), nécessaire à la radiographie de la cavité intérieure des trompes ovariennes.

Cette  substance provoquait de fortes douleurs et les résultats ne sont pas connus.

Le cinquième groupe de femmes du block 10 était sous la surveillance du docteur W…, secondé par le professeur S…, de Cologne. Ce dernier mit au point un appareil photo-microscopique à couleurs. On photographiait le col de la matrice de femmes d’âges différents de 35 à 45 ans. Après prise de la photo une excision d’une région du col de la matrice d’apparence normale était pratiquée et envoyée aux fins d’étude histopathologique au laboratoire de l’Institut de Breslau.

J’ai eu connaissance, par un médecin qui s’occupe d’expertises pour la police d’Etat, de la découverte à Strasbourg de 54 clichés de préparation histologique trouvés après le départ des Allemands.

Ces pièces ont été découvertes de la façon suivante : lorsque les Français sont entrés à Strasbourg, après le départ des Allemands, ils ont appris qu’il y avait eu une organisation scientifique à la Faculté de Strasbourg, constamment en liaison avec le camp de Struthof.

Tous les membres de cette organisation, du docteur qui la dirigeait jusqu’au garçon de laboratoire, appartenaient aux formations S.S. On vit, dans une salle, 54 petits morceaux de verre qu’on voulut d’abord mettre au panier, mais la fille d’un médecin, présente, a estimé que cela pouvait présenter un intérêt médical. On me les apporta pour voir ce qu’ils représentaient car on pensa qu’il s’agissait d’études venant du camp de Struthof. La police avait établi que des navettes constantes avaient eu lieu entre le camp et les laboratoires. On avait trouvé, d’autre part, dans une glacière du laboratoire, des cadavres sur lesquels des prélèvements avaient été faits. Ces victimes avaient été tuées après les expériences, pour autopsie.

Les 54 préparations m’ont stupéfait, car il s’agissait de testicules humains et en étudiant les préparations, j’ai constaté qu’il s’agissait de testicules sur lesquels on avait fait des expériences en injectant une substance irritante qu’on ne pouvait déceler.

Les médecins choisissaient des femmes de préférence dans la période des règles. Ils leur annonçaient que dans 4 jours elles auraient à mourir. Ils voulaient, disaient-ils, se rendre compte des effets produits par cette décision sur la menstruation.

Un professeur d’histologie de Berlin, avait eu le toupet de publier dans une revue allemande les observations faites sur les hémorragies provoquées chez les femmes par une mauvaise nouvelle. Ces expériences étaient faites sur des prisonnières normalement réglées, auxquelles on annonçait qu’elles allaient être fusillées, ce qui provoquait une hémorragie interne que ce docteur étudiait.

On pratiquait sur de nombreux détenus, et malgré leur refus, des prises de sang destinées à la transfusion sur des soldats allemands. Lorsqu’un détenu s’opposait à cette prise de sang, le docteur allemand S (ou un infirmier F) se livrait sur le donneur récalcitrant à des voies de fait à la suite desquelles le malheureux devait être transporté sur un brancard. Ce procédé était renouvelé jusqu’à ce que le détenu consentît à laisser prendre son sang.

A Birkenau, les Allemands réunirent un très grand nombre d’enfants et d’adultes jumeau, auxquels ils faisaient des prélèvements de sang pour Wasserman, destinés à déceler les tares héréditaires et pour l’étude des groupes sanguins. Les Allemands exécutaient sur les détenus un certain nombre d’opérations, par exemple, ils pratiquaient sans discernement l’opération de Leriche.

Les Allemands ont pratiqué, au début de l’année 1942, des essais d’injection d’air dans les veines. Ils voulaient rechercher quelle était la quantité d’air massive pouvant être injectée dans les veines sans provoquer l’embolie. Je n’ai pas de données précises sur les résultats de ces expériences.

C’est également dans cette chambre qu’ont été pratiquées des injections intraveineuses avec une solution d’eau oxygénée (Péroxyde) à 33% qui provoquait la mort immédiate. Il y eut un inconvénient, c’est que dans les veines non apparentes l’injection ratait souvent, et le liquide injecté dans les tissus provoquaient des douleurs insupportables ainsi qu’une forte réaction de l’expérimenté. Cette méthode fut trouvée incommode, insuffisante et fut abandonnée.

Essais d’hormones sur les pédérastes. Dans le camp, se trouvaient des homosexuels condamnés par les tribunaux allemands et qui portaient le triangle rose. L’expérience consistait à leur injecter des hormones dans les veines pour leur faire perdre le goût de la pédérastie.

Les Allemands ont également recherché une méthode de traitement des maladies psychiques par l’application d’ondes courtes (électrochoc).

La méthode consistait à appliquer un pôle sur chaque tempe du malade ou sur le front et la nuque et on faisait passer un courant électrique.

Le résultat de ces expériences fut désastreux ; il y eut un très grand nombre de cas mortels et la recherche de cette méthode fut abandonnée, la mise au point n’étant pas bonne.

Un jour, arriva au camp le professeur de l’Université de Strasbourg déjà cité et un officier d’aviation. Ils réclamèrent 30 internés (jeunes et vigoureux)  qu’ils isolèrent dans un block. Une moitié du block fut fermée  et personne ne pouvait y pénétrer, sauf le professeur, l’officier et moi. On m’a désigné pour soigner les malades et pour observer le cours de la maladie. Il était défendu aux S.S. de pénétrer dans le block. Il nous a été défendu de dire ce qui s’y passait.

J’ai vu les choses suivantes :
L’officier et le professeur ont mis leur masque à gaz. Ils injectèrent ensuite dans le creux de la main et sur la face interne de l’avant-bras, environ 10 cc d’un produite ; dix prisonniers reçurent ensuite 15 gouttes de Vogan, dix autres 8 gouttes et le reste rien.

Les malades restèrent pendant une heure les bras étendus, nus et attendaient. Ensuite, on les a mis au lit. Le premier soir les malades commençaient à crier de douleur. L’endroit vacciné s’était couvert de brûlures. Bientôt, tout le corps en fut couvert. Ils avaient tous mal aux yeux et aux poumons. Je fis mon possible pour les soulager. Je me suis couché à minuit, et le lendemain j’étais obligé de constater que je voyais à peine. L’officier est venu, non pas pour soigner les malades, mais pour les photographier. A partir de ce jour, on les photographiait tous les jours, mais on ne s’occupait pas des malades qui criaient comme des bêtes. Ils étaient tantôt sans volonté, tantôt comme des fous. Le premier mourut au bout de 14 jours (le 21/12/1942). Son corps fut envoyé à Strasbourg. Par la suite, aucun corps ne devait plus quitter le camp. On faisait les expériences sur place. L’autopsie révéla les résultats suivants : cerveau réduit, poumons pleins de pus et rongés, le foie avec le même résultat. Le reste fut à moitié aveugle et malade des poumons.

Ajoutons que cette expérimentation ne présentait chez l’homme aucun intérêt particulier et qu’elle aurait pu aussi valablement être faite chez l’animal, en supposant qu’elle eût un intérêt scientifique quelconque. Le but poursuivi était aussi inhumain que les moyens employés.

Au lieu de les expérimenter sur des cobayes, lapins, souris, il était plus simple et plus suggestif de les expérimenter sur l’homme.

Des personnalités de la médecine arrivaient périodiquement de Berlin pour renforcer le personnel s’occupant des expériences médicales.

Les Allemands ont fait construire, dans un bâtiment spécialement étudié à cet usage, une chambre à gaz pour expérimenter les gaz asphyxiants sur les sujets humains.

Un réduit avec des fenêtres, fermé hermétiquement, permettait de voir à l’intérieur de cette chambre. On y brisa une ampoule de 2 à 5 cc. Les médecins se félicitaient du bon résultat de leurs expériences.

Ces médecins faisaient des expériences avec des gaz sur ces malheureux dans une chambre à gaz située hors du camp. En une seule journée, le 10 août 1943, 86 femmes furent asphyxiées et leurs corps incinérés immédiatement après.

Il est même établi que 15 femmes furent gazées le 11 août 1943 ; 14 femmes, le 13 août 1943 ; 30 hommes, le 17 août 1943 et 29 hommes, le 19 août 1943. 1 668 femmes environ, et plus de 10 000 hommes, tel est le nombre des victimes gazées au camp de Struthof.

Un jour tous les Tziganes, les bohémiens hongrois, ont été appelés. Ils ont été descendus à la chambre à gaz pour des expériences. Les Allemands ont d’abord demandé des volontaires. Personne ne s’est présenté, les Allemands ont envoyé d’office les Hongrois. La moitié sont morts. Je ne puis donner un chiffre exact de ceux qui sont rentrés ce même jour dans la chambre à gaz.

Ainsi donc, un architecte a pu dresser les plans d’un bâtiment destiné à ce crime, des savants allemands ont pu concevoir cette idée et en ont poursuivi l’exécution, des Allemands ont observé à travers le hublot construite à cet effet l’agonie des hommes et des femmes qu’ils ont assassinés de la sorte.

*
                                                                 *    *

Le block 41 était employé non seulement pour les expériences médicales mais aussi pour les vivisections.

Dans une des pièces spécialement aménagées à cet effet, une table d’opération en faïence, coupée de rainures en plan inclinée, destinées à faciliter l’écoulement du sang, servait à des opérations de vivisections que trois professeurs allemands, réputés, exécutaient devant leurs élèves.

Les expériences portaient chaque fois sur 100 sujets. Les sujets étaient en général des Polonais juifs. Ils étaient envoyés de Struthof, sur demande du médecin chargé des expériences, et n’avaient aucun contact avec les détenus.

On a choisi 20 hommes à deux reprises, dot on a mis les muscles de la jambe à nu, et on leur a appliqué une substance (X). Après avoir enlevé le pansement, on a pu voir apparaître une fistule. Un docteur S.S. de Berlin était venu spécialement pour l’examiner. Ces malades ont été choisis sans discernement parmi un groupe de malades qui étaient e convalescence après une opération.

J’en connais un qui a parlé de sa première opération ; la seconde a parfaitement réussi, car il en est mort…. (il a été certainement supprimé pour l’empêcher de parler).

On a retrouvé dans les archives un rapport du médecin se plaignant un jour du mauvais état de santé des sujets qui lui avaient été expédiés, et réclamant 90 nouveaux sujets en bonne santé pour servir aux expériences projetées.

Au block 17, 200 enfants étaient affectés aux expériences de stérilisation.

Il y avait également un block qui était spécialement réservé pour les expériences médicales que l’on faisait sur les femmes qui étaient choisies parmi les mieux en forme. On leur enlevait les ovaires, etc., sans les endormir, ni les anesthésier.

Les cobayes sont des Polonaises. Toutes sont des prisonnières politiques. Il y en a qui sont mortes, d’autres ont été fusillées. Il en restait 60 environ.

Ailleurs des expériences eurent lieu à l’infirmerie, sur des Polonaises ; on choisissait les plus saines pour faire des expériences de greffe osseuse. Ils prélevaient des greffes dont ils se servaient pour leurs soldats qui étaient aux armées.

On effectuait des prélèvements de sang, de l’utérus, de la moelle épinière et on laissait ensuite mourir les déportés.

Un jour, nous vîmes revenir de l’hôpital des Polonaises qui portaient aux jambes d’affreuses cicatrices. Elles avaient subi des expériences de vivisection (greffe d’os et de muscles) faites par des chirurgiens venus spécialement de Berlin à cet effet. Chaque jour nous pouvions constater de semblables expériences.

J’ai également fait une enquête très précise sur ces Polonaises que nous appelions « les petits lapins » ; ces femmes étaient toutes condamnées à mort, elles avaient servi à l’expérience pour la gangrène gazeuse pour laquelle les médecins allemands recherchaient des sérums et on leur fit également des prélèvements de greffons osseux, les greffons devant servir à la recherche spéciale pour les soldats du front. Je tiens de ces personnes elles-mêmes que j’ai vues et sur qui j’ai pu constater les dégâts terribles au point de vue musculaire, que l’opération s’est fait dans les conditions suivantes : elles étaient amenées brutalement au Bunker (prison) , attachées à la table d’opération, et on ne leur a même pas enlevé la chaussure de la jambe opérée.

J’ai vu des femmes ayant servi de cobaye aux Allemands pour leurs expériences. Certaines ont eu la moelle épinière enlevée, d’autres la moelle des os et des jambes, d’autres l’appareil génital.

L’année dernière, quand les derniers cobayes ont été appelés pour se rendre à l’opération et qu’elles ont refusé d’y aller, on les a emmenés au Bunker et opérées sur place. On leur a donné un anesthésique mais on ne les a pas lavées et on les a emmenées à la table d’opérations habillées de leurs uniformes sales. Après l’opération, elles sont restées là des semaines, soignées par l’une d’entre elles qui n’était pas infirmière et n’avait sans doute aucune expérience des soins à donner, bien que, naturellement elle fît tout ce qu’elle pouvait pour elles et du mieux qu’elle le pouvait.

Un jour, 50 belles femmes polonaises furent choisies pour des essais de chirurgie nerveuse. Je les ai vues revenir de ces tortures avec le triceps crural enlevé. Beaucoup sont mortes de ce traitement. Les médecins pratiquèrent également des prélèvements aux seins.

Après avoir fait sur chacune plusieurs expériences, on les envoyait directement au gaz.

De manière qu’aucune trace ne subsiste de ces agissements, tous les corps des victimes étaient scrupuleusement incinérés.

A suivre -Exécutions diverses-

dimanche 26 mai 2013

Camps de concentration -Avortements-





AVORTEMENTS

Les femmes enceinte de 2 et 3 mois, subissaient un curetage ; les femmes enceintes de 4 à 7 mois subissaient une colpohystérectomie (c’est-à-dire une espèce d’opération césarienne basse).

Après avoir subi cette opération, la femme était fatiguée et anémiée par suite de l’alimentation insuffisante et du choc opératoire. La malade, au bout d’une dizaine de jours, était renvoyée dans son camp où elle passait quelques jours. Après la visite du docteur qui la déclarait inapte au travail, elle était envoyée à la chambre à gaz.

La méthode médicale employée était l’avortement mécanique. Le médecin, après avoir fait tuer le fœtus d’une piqure dans la tête, y fixait un lien à l’extrémité duquel pendait un poids. La femme, attachée dans son lit n’avait plus qu’à attendre l’extraction du fœtus.

 Le médecin, après avoir accompli son opération, laissait les patientes dans des souffrances terribles. Des infirmières m’ont affirmé que la durée moyenne de ces souffrances s’échelonnait entre 2 et 10 heures.

Aux femmes enceintes de 7 à 8 mois, on faisait des injections sous-cutanées avec un produit inconnu, afin de provoquer l’accouchement prématuré. Les injections firent de l’effet. Le fœtus venant au monde qui fût vivant ou mort, était détruit. Le but poursuivi était de provoquer l’accouchement prématuré par piqûre, sans employer des moyens mécaniques.




ACCOUCHEMENTS

On laissait quelquefois la nature suivre son cours et l’enfant naissait à l’hôpital.

Dès que les enfants étaient nés, ils étaient enlevés à la mère, enveloppés dans une serviette ou du papier. Ils étaient transportés au « Babschmitt 3 » et là ils étaient déposés dans une caisse à 3, 4, 5, 6, comme des petits chats ou des petits chiens que l’on laisse mourir. La camionnette de la Croix–Rouge, qui ramassait les contagieux des différents camps pour être emmenés au gaz, passait prendre ces petits. Ils étaient vidés par-dessus les malades comme de vulgaires colis.

Si l’enfant était mort-né, la mère retournait éventuellement au camp et risquait sa chance comme les autres d’être choisi pour le four. Si, par contre l’enfant était vivant, alors tous deux étaient envoyés au four.

Un difficile problème et un cas de conscience pénible se posait pour les médecins détenus ; l’enfant mort aussitôt la naissance, la mère échappe à la mort. Peut-on sacrifier l’enfant pour sauver la mère ? Ce moyen a été employé plusieurs fois pour sauver la mère, et la vérité va choquer beaucoup de personnes ; les mères acceptaient assez bien le sacrifice de leur enfant puisque c’était là un moyen de se sauver.

Les souffrances physiques et morales que nous supportions, l’atmosphère du camp dans lequel nous vivions, avaient peut-être changé notre état d’âme.

STERILISATION (femmes)

La stérilisation était pratiquée.

Les femmes subissaient la stérilisation. En 1944, l’appareil servant à la stérilisation fut transporté dans les blocks des femmes se trouvant en dehors du camp. Le nombre des femmes stérilisées fut très grand. La stérilisation chez les femmes était pratiquée par l’application des rayons X.

J’ai vu des camarades qui furent stérilisées, je puis vous donner les noms.

J’ai vu stériliser des Tziganes et les Juifs.

On stérilisait surtout les Tziganes et les juives, mais aussi parfois les prisonnières allemande prises en délit d’avoir eu des rapports avec des ouvriers étrangers.

Au moment de la stérilisation des femmes (après le premier essai par cautérisation qui n’a pas suffisamment réussi), les stérilisations ont été faires par opération. On m’a amené dans mon service (block 9 de chirurgie) des femmes et même les enfants à ventre ouvert qui ont été laissés après l’opération sans être recousus. Nous n’avions à notre disposition aucun pansement et n’avions pas le droit de les faire que deux fois par semaine avec du papier de soie qui était arraché et pourri au bout d’une heure.

Ces plaies étaient donc en contact avec des couvertures sales et pleines de poux,, avec la paille de la paillasse et la diarrhée du malade qui envahissait la paillasse.

J’ai vu personnellement plusieurs centaines de femmes stérilisées dont plusieurs sont mortes de péritonites.

Ils ont stérilisé même, je crois, des enfants, car ils ont pris l’élément féminin de 7 à 45 ans. Ceci se passait en janvier 1945. Ils les stérilisaient sans les anesthésier et les enfants hurlaient.

J’ai soigné particulièrement, en la bandant avec de vieux linges, une petite fille de 12 ans sur laquelle on avait pratiqué la stérilisation.

STERILISATION ET CASTRATION D’HOMMES

En 1943 et 1944, les Allemands firent une sélection de jeunes gens d’origine juive, à leur arrivée au camp de Birkenau. Ils étaient âgés de 13 à 16 ans. Sous prétexte de leur apprendre le métier de maçon, ils furent groupés au block n°7 du camp d’Auschwitz où ils suivaient des cours de maçonnerie. Il est à supposer que ces jeunes gens, au nombre de 5 à 600, furent choisis en vue de stérilisation ultérieur après un séjour au camp de plusieurs mois et après un régime alimentaire déterminé.

Au block 21, ils châtraient les Tziganes hommes.

Il y eut des milliers de jeunes gens grecs stérilisés. On les menait à un appareil électrique ; si, au bout de quelques mois ils étaient encore aptes à accomplir l’acte sexuel, on les castrait.

Les Allemands pratiquèrent un grand nombre de stérilisation et de castration sur les détenus jeunes, choisis au camp de Birkenau et d’Auschwitz.

Je fus convoqué un matin, de Birkenau à Auschwitz. Ce fut exactement le 19 mai 1943.

Je fus dirigé sur les services de la désinfection où l’on me prit tous mes vêtements et je reçus une nouvelle tenue de camp. Puis, on m’envoya en Revier (Chirurgische Abteilung), où il me fut ordonné de me coucher.

Le lendemain, je fus amené de force sur la table d’opération où l’on voulut me faire une injection dans la colonne vertébrale. Je me suis débattu et réussis à leur faire casser la seringue, mais néanmoins, ils me maîtrisèrent à 12 purent pratiquer cette piqûre. Immédiatement après, je me sentis comme paralysé des membres inférieurs. A signaler que le même docteur procéda à des opérations de castration complète sur plusieurs centaines d’autres internés, la plupart des jeunes gens de 20 à 30 ans.

M.C….a vu et peut certifier que chez de nombreux jeunes gens et enfants israélites, les Allemands ont procédé à l’ablation des parties sexuelles.

Les castrations étaient fréquentes chez les prêtres ; elles entraînaient infailliblement la mort, car elles étaient pratiquées par des non-professionnels qui n’avaient aucune notion des règles chirurgicales.

Quel était le but de ces stérilisations et castrations ? Il était supposé géopolitique. Cette supposition est fondée sur le fait suivant : l’espace occupé par les 80 millions d’Allemands après une période de 25 ans (suivant la fin de la guerre gagnée par  l’Allemagne) serait insuffisant pour nourrir et loger l’accroissement escompté de 15 à 20 millions d’Allemands. Le régime nazi aurait élargi son « Lebensraum » sur le compte des pays limitrophes comme la France, la Tchécoslovaquie, la Pologne et l’Ukraine. Les populations de ces régions, après stérilisation, aurait fourni de la main-d’œuvre pendant 25 à 30 ans et se seraient éteintes sans laisser de progéniture.

Dans ces espaces vidés des populations indigènes par les conséquences de stérilisation, les Allemands auraient placé le surplus de leur population.

Les jeunes gens choisis pour les stérilisations étaient âgés de 18 à 35 ans, tous bien portants et si possible sans tare.

Chacun d’eux exposait sur une planchette sa bourse à l’action des rayons X. Les victimes déclarèrent que le docteur vérifiait lui-même si les testicules étaient dans la bourse et non refoulées dans le canal inguinal. L’exposition aux rayons X durait 5 à 6 minutes. Cette durée d’exposition fut fixée après un très grand nombre d’essais.

Après la séance, les jeunes gens dont le numéro était inscrit sur un registre spécial avec la date à laquelle la stérilisation était pratiquée étaient renvoyés temporairement au camp. Le Schreibstube principal recevait une liste indiquant leurs noms et numéros et ils étaient exclus des sélections possibles jusqu’à nouvel ordre.

Quelques semaines ou quelques mois après cette stérilisation, les jeunes gens étaient convoqués au camp d’Auschwitz, block 21 (chirurgie). Ils étaient introduits au laboratoire où on les interrogeait sur les troubles apparus chez eux depuis la date de la stérilisation : désirs sexuels, pollutions nocturnes, troubles de la nutrition, de la mémoire, du caractère, etc. Ensuite, on les obligeait à se masturber et on recueillait une goutte de sperme sur une petite lame en vue d’examen microscopique. Si la base physiologique de la masturbation manquait, on provoquait l’érection par un massage digital de la prostate.

Après quelques secondes, les Allemands ont trouvé que le massage de la prostate fatiguait le masseur ; on inventa alors un autre système au moyen d’une manivelle qui était introduite dans le fondement du malheureux ; quelques tours de manivelle suffisaient pour provoquer l’érection et l’éjaculation du liquide spermatique. Le sperme était examiné par un bactériologiste en vue de rechercher la vitalité des spermatozoïdes, c’est-à-dire s’il en existant encore de vivants.

En 1944, les Allemands apportèrent au camp un microscope spécial qu’ils appelaient « microscope à phosphorescence », basé sur le principe qu’une cellule vivante était phosphorescente et qu’une cellule morte ne l’était plus, ce qui leur permettait de différencier un spermatozoïde mort d’un vivant.

La castration ne fut pas toujours complète, tantôt on enlevait un testicule en entier, tantôt 1/4, tantôt une moitié ou ¾ suivant les indications et le but poursuivis par le docteur.

Dans d’autres cas cas castration était bilatérale, donc complète.

Le testicule ou le fragment de testicule était placé dans un tube stérilisé avec la formaline à 5 ou 10% et envoyé à Breslau à l’institut pour l’étude histopathologique des tissus.

J’ai assisté moi-même un seule fois à deux castrations.

L’incision était faite dans la région inguinale, incision unilatérale ou bilatérale suivant le cas de castration complète ou incomplète. On tirait sur le cordon funiculaire, on mettait le testicule à nu, on ligaturait les vaisseaux et on procédait à l’ablation de la portion contenant le testicule. On faisait ensuite quelques points de suture et drainage.

L’ingrédient anesthésique était la novocaïne par injection intra-rachidienne, jamais d’anesthésie générale.

Après l’opération, les jeunes gens étaient placés dans la salle n°5 du block 21 sous la surveillance d’un infirmier allemand spécialisé dans les soins postopératoires de ce genre.

Après un séjour de huit à dix jours, les opérés étaient transférés dans la salle n°1 du même block où j’étais médecin traitant.

Chez certains, la cicatrisation se faisait sans suppuration, chez d’autres la suppuration apparaissait suivie de tout son cortège de complications ce qui prolongeait le séjour du malade dans la section chirurgicale et l’exposait à une sélection.

Dans certains cas, les castrés, après stérilisation par la méthode physique,, revenaient au block chirurgical avec des phlegmons d’apparence normale dans la région inguinale. Des incisions malencontreuses de ces phlegmons ont entraîné ans deux cas la mort par septicémie.

Il est à présumer qu’étant donné l’extermination méthodique des Juifs entreprise dans les camps, cette stérilisation était étudiée sur eux dans le but d’être appliquée par la suite aux non Juifs autres que les Allemands.

A suivre -Le corps médical allemand-